Résumé
« Tous les goûts sont
dans la nature », « ça dépend de chacun », « à chacun sa
vérité », « ce n’est que mon opinion » : tant d’expressions
signifiant qu’il y a une multitude d’opinions différentes, parfois contradictoires cad ne pouvant
coexister. C’est donc un premier fait : il y a des opinions cad des propositions qu’on croit vraies sans avoir
toujours de justification, cad de
preuve de sa véracité. L’opinion suppose une adhésion du sujet qui croit dans
cette idée. Les opinions sont subjectives
cad qu’elles dépendent du sujet qui les énonce (#objectives, qui dépend de
l’objet et ce sur quoi différents sujets peuvent se mettre d’accord), contingentes car elles pourraient être
autres dans un contexte historique social ou culturel différent
(#nécessaires : qui est toujours ainsi, ne peut pas être autrement) et relatives au sujet qui les énonce
(#absolues, ne dépendant d’aucun référentiel) : les opinions sont des avis
formés sur notre expérience personnelle.
« N’y a-t-il que des
opinions ? » est une formulation radicale qui pousse à l’extrême ce
seul fait qu’il y a des opinions : y a-t-il autre chose qu’elles ? On
connaît cependant un certain nombre de vérités, mathématiques, factuelles,
qu’on ne remet pas en question. Mais comment être sûr que ce sont bien des
vérités ? Comment être sûr qu’il y a autre chose que des opinions
subjectives sur le monde ? Parfois on croit posséder une vérité mais ce
n’est que notre avis personnel, ce dont on ne se rend pas compte. En sciences
mais aussi en morale on peut se rendre compte que ce qu’on croyait vrai et
valable universellement était une erreur (le géocentrisme) ou une norme sociale
contingente (la place des femmes dans la société).
=> Ce sujet invite à se
demander si autre chose que des opinions (la vérité) existe et si on peut la
connaître et la distinguer de l’opinion : Comment être sûr que ce qu’on
croit vrai n’est pas qu’une opinion masquée ?
I.
Il n’y a que des
opinions : les difficultés de la position affirmative (sophistique) et
sceptique
A) Il n’y a que des opinions car il n’y a pas de vérité
absolue : les sophistes
Texte 1
But du Théétète :
définition de la science pour savoir ce qu’on peut connaître (cad ce sur quoi il est possible de former et posséder un
ensemble de vérités) et enseigner
(cad transmettre des vérités à autrui).
Théétète et Protagoras sont des sophistes, cad ceux qui prétendent
avoir la sagesse. Pour Protagoras, « l’homme est la mesure de toutes
choses » : il n’y a pas de vent froid absolu, pour celui qui
frissonne le vent est froid, pour l’autre qui le tolère il n’est que tiède. Il
n’y a qu’une sensation de froid qui dépend du sujet qui le ressent et de ses
capacités de sensation.
=> La
science ne peut donc être rien d’autre que l’ensemble des jugements que chaque
sujet porte sur les choses.
=> Pb : pourquoi les
sophistes enseignent-ils alors, s’il n’y a rien d’absolu à connaître et qui
vaudrait pour tous ?
=> Parmi
la diversité d’opinions, les sophistes cherchent à faire triompher la leur en persuadant leur public, cad en faisant
appel à leurs sentiments pour les amener à être d’accord avec eux (#convaincre : faire appel à leur
raison). Les sophistes ne sont pas relativistes
(= penser que toutes les opinions ont la même valeur et qu’on ne peut en
trouver une plus vraie ou meilleure qu’une autre), ils pensent qu’il n’y a que
des opinions mais ils cherchent à faire triompher la leur, qu’ils pensent la
meilleure. Mais sur quoi se fonde cette hiérarchie entre les opinions ? Il
semble bien qu’il faille un critère pour distinguer certaines opinions qui
semblent plus vraies que d’autres (Texte 3 : toutes les opinions
contradictoires ne peuvent être toutes justes).
B) Il n’y a que des opinions car on ne peut connaître la
vérité : les sceptiques
Texte 2
Sceptique : celui qui doute de tout, cad remet en cause la vérité de chaque affirmation.
Il prend toujours des cas limites (ex du tas de sable dont on ôte les grains de
sable un par un : quand n’est-il plus un tas de sable ?) pour montrer
qu’on ne peut se fier à rien et que les sens nous trompent sans cesse. Il vaut
mieux suspendre notre jugement plutôt que d’affirmer une idée fausse, qui
risque de nous amener à mal nous conduire. Le but du sceptique est
pratique : l’ataraxie, cad ne
pas être troublé par ses opinions. En évitant d’affirmer quoi que ce soit, le
sceptique évite l’erreur et les souffrances comme l’inquiétude. C’est donc une
thèse de suspension du jugement, cad
éviter d’affirmer quelque chose, par précaution, pour éviter d’éventuelles
conséquences négatives.
=> Pour
le sceptique il n’y a que des opinions car on ne peut jamais être sûr qu’il y a
de la vérité et les reconnaître comme des opinions permet de ne pas les
prendre, à tort, pour des vérités.
=> Pb :
o
Dire
qu’il ne faut établir aucun dogme car rien n’est sûr c’est déjà affirmer un
premier principe de connaissance et de pratique.
o
Les
sceptiques continuent de vivre, de marcher, de faire la cuisine, de lacer leurs
spartiates : ils possèdent un savoir-faire nécessaire à leur survie. Ils
prétendent ne rien connaître, ils n’ont donc pas de savoir théorique (= savoir propositionnel qu’on peut démontrer et
exposer) mais ils ont bien un savoir
pratique (= savoir-faire, accumulé d’expériences) qu’ils utilisent et
qu’ils croient certain.
Pb de ces deux
positions : dire qu’il n’y a que des opinions c’est déjà prétendre énoncer
une vérité : n’y a-t-il alors qu’une seule vérité, celle qu’il n’y en a
pas ? Ou plutôt distingue-t-on mal ce qui peut être de l’ordre de la
vérité et de l’ordre de l’opinion ? Texte 3 :
il semble bien que parmi les opinions différentes
et contradictoires, certaines soient plus vraies que d’autres. Si on me dit que
l’homme est un poisson qui vit en eau douce, je sais bien que c’est faux. Il semble donc qu’il y a bien une norme du
vrai avec laquelle on évalue nos opinions et il faut comprendre comment la
trouver et comment l’utiliser pour distinguer nos opinions.
II.
Chercher la vérité par-delà
les diverses opinions : la philosophie socratique
C’est contre cette multiplicité d’opinions que la
philosophie socratique s’est construite comme la recherche de la vérité, en la
distinguant de l’opinion. (!!! Le scepticisme est un courant
philosophique qui apparaît après Socrate !!! Le plan de la dissertation
n’est jamais chronologique, mais logique, selon l’ordre des arguments.)
Le philosophe est celui qui aime la sagesse mais ne
la possède pas, il la cherche, alors que le sophiste prétend la posséder. Il
est critique car il cherche à distinguer les opinions de la vérité. La première
vérité pour Socrate est la conscience de l’ignorance : je sais que je ne
sais rien, cad je sais que tout ce que je croyais savoir n’était qu’opinions,
mais que je peux trouver un savoir par-delà ces opinions.
Socrate procède par le dialogue : il
questionne son adversaire sur ses opinions. Il utilise l’ironie cad feindre l’ignorance en posant des questions aux
sophistes pour mettre en évidence leurs incohérences. Le dialogue est un
exercice maïeutique (= art de faire
accoucher les esprits de la vérité).
Texte 4
Socrate distingue la philosophie de la rhétorique (l’art oratoire, l’art de
parler) : le but de la rhétorique est de persuader, elle produit de la
croyance et elle utilise des attaques personnelles contre ses adversaires,
alors que la philosophie cherche à produire du savoir, à convaincre en utilisant
des arguments.
=> On
voit alors que la philosophie est une quête, une méthode de connaissance plutôt
qu’une connaissance particulière : il s’agit de mettre en question les
évidences partagées par tous, les préjugés
(= opinions qui n’ont pas été examinées et mises en doute).
Texte 5 : allégorie de la caverne
Les hommes enchaînés ne
voient que des ombres, produites par les sophistes pour les tromper. Il faut
qu’un homme soit libéré pour qu’il prenne conscience de son erreur et pour
qu’il cherche la vérité, hors de la caverne. La libération est douloureuse,
aveuglante. Quand l’homme redescend dans la caverne, les autres hommes, restés
dans l’illusion, le haïssent et le tuent.
=> Les opinions sont un
obstacle à la recherche de la vérité : il faut tenter de les dépasser, de
s’en extraire pour trouver la vérité, qui est totalement différente de
l’opinion. Savoir, c’est dépasser les apparences pour saisir l’essence d’une chose (=cad ce qui est
propre à une chose, ce sans quoi elle n’est plus cette chose), qui n’est pas
accessible immédiatement. Les apparences sensibles sont trompeuses alors que la
réalité intelligible du monde des idées est rationnelle.
=> La vérité existe donc bien
et on peut la distinguer de l’opinion : elle est objective, absolue,
universelle, médiate (suite à la critique des préjugés).
=> Pb :
Socrate reconnaît qu’il n’y a parfois pas de vérité sur certains sujets ou que
le dialogue n’y parvient pas : ce sont les dialogues aporétiques cad qui rencontrent une aporie (=difficulté à résoudre un problème). Que faire ? Retombe-t-on
dans la position sceptique du doute ? Ou dans les premières opinions ?
III.
Savoir distinguer opinion et
vérité : méthode d’analyse qui permet de vivre avec les opinions
Par-delà l’acquisition précise de savoirs, c’est la
méthode pour distinguer les opinions des vérités qui compte : méthode qui remet en question les évidences,
se questionne, pour ne pas prendre abusivement une opinion pour une vérité.
Les opinions sont nécessaires à la vie, individuelle et collective, mais il
faut les reconnaître comme telles, pour ne pas les confondre avec des vérités.
Texte 7
Pour aller à Larisse, l’opinion vraie (idée non justifiée, intuitive mais par hasard
vraie) et la science (connaissance
justifiée) permettent toutes deux de bien
agir cad d’atteindre le but fixé. Mais l’opinion vraie n’offre aucune
garantie qu’elle fonctionne toujours, car elle est hasardeuse. La science
permet d’enchaîner les opinions vraies en trouvant un lien logique nécessaire
entre les idées.
Texte 8
Les opinions communes partagées par tout un corps
social sont utiles pour lier la société car les individus qui forment une
société n’ont pas le temps de vérifier toutes leurs opinions, et ces opinions
communes partagées forment un terreau idéologique commun qui façonne la
société.
Mais pb du texte de Tocqueville : comment évaluer les bonnes ou les mauvaises
opinions dogmatiques ? Les fake news, les théories du complot, les
idéologies racistes sont-elles des opinions dogmatiques qu’il serait bon de
tolérer ? On peut légitimement adopter un regard critique pour distinguer
les bonnes des mauvaises opinions dogmatiques : une mauvaise opinion
dogmatique pourrait être celle qui n’est que l’opinion d’une majorité, qui
exclut la minorité de sa vision du monde et qui cherche à s’imposer par la force
(ex : racisme, nazisme).
Ce qui compte
c’est bien plutôt la méthode critique d’analyse qui remet en question ce qui
semble accepté de tous.
Circonscrire ce qui est de l’ordre de l’opinion et de la vérité c’est déjà se
questionner et ne pas retomber à un usage naïf des opinions. Quand on a
conscience que ce n’est « que notre opinion », on est moins
dogmatique, on ne cherche pas à l’imposer aux autres. Ce qui compte c’est donc ce travail d’esprit critique, qui questionne
ce qui est souvent pris pour évident. Le philosophe continue de se questionner
et accepte de remettre en question ses idées.
=> Il n’y a donc pas que des opinions, on peut chercher la vérité
par-delà la multitude d’opinions, mais on ne peut toujours trouver uniquement
des vérités et éradiquer les opinions : il faut donc apprendre à vivre
avec certaines opinions, en sachant les distinguer des vérités.
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