L’homme ne trouve pas les ressources dont il a
besoin pour vivre toutes faites dans la nature : il a besoin de la transformer pour subvenir à ses besoins, ce pourquoi
il travaille et utilise des techniques. Ex de l’agriculture : l’homme
cultive la Terre qu’il trouve à sa disposition pour la faire subvenir à ses
propres besoins. On cultive pour faire donner à la nature ce qu’elle ne
donnerait pas naturellement, pour échapper à l’aléatoire de la cueillette et de
la chasse.
ð
L’homme crée donc de la
matière à partir de ce qu’il trouve dans son environnement, pour subvenir à ses
besoins naturels.
Ses moyens de créations sont infinis (langage, technique, travail) alors que les rares procédés
langagiers et techniques chez les animaux sont limités à quelques utilisations
particulières et sont dictés par leur instinct.
L’homme donne
du sens à ses produits culturels, cad qu’il interprète certains objets comme étant
de l’art, il interprète le sens de sa vie d’après des croyances collectives,
comme les mythes ou la religion.
ð
PB : Mais quand l’homme
crée ou interprète sa destinée, il ne fait pas que modifier son
environnement : il se modifie lui-même aussi. Les évolutions des
conditions de travail et des techniques ont des conséquences sur le
comportement des hommes. Quelles sont alors les conséquences des productions
culturelles de l’homme sur lui-même ?
Enjeux : réfléchir sur ce que l’homme crée
pour vivre implique une réflexion sur les valeurs morales et politiques pour
guider les comportements collectifs. Le travail et la technique comportent des
enjeux politiques.
3 sens de culture
-
Culture
classique de celui qui est cultivé, à l’inverse de l’inculte. Culture apprise à
l’école (Zola, Mozart)
-
Culture
d’une population : l’ensemble des valeurs normes habitudes et manières
d’être partagées par un groupe. C’est la culture étudiée par la sociologie et
l’anthropologie. On constate une diversité culturelle car l’homme ne vit pas
partout pareil mais il utilise les mêmes facultés.
-
Culture
qui s’oppose à nature : la nature = ce qui se fait spontanément, se
développe soi-même, alors que la culture est ce que l’homme crée pour vivre
dans son environnement. Tout ce qui n’existerait pas sans l’homme. Parfois
difficile à distinguer : la forêt des Landes est plantée par Haussmann,
l’agriculture est une culture.
ð
Sujet
volontairement provocateur : la culture serait le propre de l’homme, à
l’inverse des animaux guidés par leurs instincts. C’est par la culture que l’homme est proprement humain : mais
alors, pourquoi suggérer que la culture pourrait le déshumaniser, cad aller à
l’encontre de sa nature, voire le détruire complètement, alors que c’est ce qui
fait qu’il est humain ?
ð
L’homme a les capacités de
modifier son environnement et lui-même: ces modifications peuvent-elles
aller à l’encontre de la nature de l’homme ? Il faut déterminer ce qu’est
la nature de l’homme pour savoir quand l’humanité est bafouée.
2 questions se posent donc :
-
Certaines
formes de vie humaine peuvent-elles être considérées comme allant à l’encontre
de la nature humaine, au point de le déshumaniser ?
-
Quels
sont alors les contours et limites de cette notion de nature humain ?
Enjeux : ce qui relève du naturel ne semble
pas modifiable alors que ce qui relève du culturel est contingent, aléatoire et
peut être modifié.
I.
La culture est le propre de
l’homme : elle rend l’homme humain
C’est par la culture que l’homme développe les
capacités qui sommeillent en lui : la
culture actualise les potentialités humaines qui le distinguent de l’animal.
En acte = effectif, réalisé / En puissance = possible, ce qui peut être mais
pas encore réalisé.
La culture
permet d’actualiser ce qui est possible en chaque humain. L’humanité
s’acquiert, c’est le résultat d’un processus individuel et historique :
comment devient-on humain alors ?
Texte
1 : Platon : Mythe de Prométhée
« Il fut jadis
un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le
temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les
façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu et
des éléments qui s’allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener
à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et
d’attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à
Prométhée de lui laisser faire seul le partage. Sa demande accordée il fit le
partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux
autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à
ceux-là, mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation ; car à ceux
d’entre eux qu’il logeait dans un corps de petite taille, il donna des ailes
pour fuir ou un refuge souterrain ; pour ceux qui avaient l’avantage d’une
grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé
de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées
à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens
d’échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les
saisons de Zeus ; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de
peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les
protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du
sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d’eux ; il leur donna en
outre comme chaussures, soit des sabots de cornes, soit des peaux calleuses et
dépourvues de sang, ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les
espèces, aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres
des racines ; à quelques-uns même il donna d’autres animaux à manger ; mais il
limita leur fécondité et multiplia celle de leur victime pour assurer le salut
de la race. Cependant Epiméthée, qui n’était
pas très réfléchi avait sans y prendre garde dépensé pour les animaux toutes
les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et
il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le
partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couvertures ni armes, et le jour
fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer
pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos et à Athéna
la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des
arts était impossible et inutile ; et il en fait présent à l’homme. L’homme eut
ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n’avait pas la science
politique ; celle-ci se trouvait chez Zeus et Prométhée n’avait plus le
temps de pénétrer dans l’acropole que Zeus habite et où veillent d’ailleurs des
gardes redoutables. Il se glisse donc furtivement dans l’atelier commun où
Athéna et Héphaïstos cultivaient leur amour des arts, il y dérobe au dieu son art de manier le feu et à la déesse l’art qui
lui est propre, et il en fait présent à l’homme, et c’est ainsi que l’homme
peut se procurer des ressources pour vivre. Dans la suite, Prométhée fut,
dit-on, puni du larcin qu’il avait commis par la faute d’Epiméthée. Quand
l’homme fut en possession de son lot divin, d’abord à cause de son affinité
avec les dieux, il crut à leur existence, privilège qu’il a seul de tous les
animaux, et il se mit à leur dresser des autels et des statues ; ensuite il eut
bientôt fait, grâce à la science qu’il avait d’articuler sa voix et de former
les noms des choses, d’inventer les maisons, les habits, les chaussures, les
lits, et de tirer les aliments du sol. Avec ces ressources, les hommes, à
l’origine, vivaient isolés, et les villes n’existaient pas ; aussi
périssaient-ils sous les coups des bêtes fauves toujours plus fortes qu’eux ;
les arts mécaniques suffisaient à les faire vivre ; mais ils étaient d’un
secours insuffisant dans la guerre contre les bêtes ; car ils ne possédaient
pas encore la science politique dont l’art militaire fait partie. En
conséquence ils cherchaient à se rassembler et à se mettre en sûreté en fondant
des villes ; mais quand ils s’étaient rassemblés, ils se faisaient du mal les
uns aux autres, parce que la science politique leur manquait, en sorte qu’ils
se séparaient de nouveau et périssaient. Alors
Zeus, craignant que notre race ne fut anéantie, envoya Hermès porter aux hommes
la pudeur et la justice pour servir de règles aux cités et unir les hommes par
les liens de l’amitié. Hermès alors demanda à Zeus de quelle manière il
devait donner aux hommes la justice et la pudeur. « Dois-je les partager comme
on a partagé les arts ? Or les arts ont été partagés de manière qu’un seul
homme, expert en l’art médical, suffît pour un grand nombre de profanes, et les
autres artisans de même. Dois-je
répartir ainsi la justice et la pudeur parmi les hommes ou les partager entre
tous » – «Entre tous répondit Zeus ; que tous y aient part, car les villes ne
sauraient exister, si ces vertus étaient comme les arts, le partage exclusif de
quelques-uns ; établis en outre en mon nom cette loi que tout homme incapable
de pudeur et de justice sera exterminé comme un fléau de la société ».
Voilà comment, Socrate, et voilà pourquoi les Athéniens et les autres, quand il
s’agit d’architecture ou de tout autre art professionnel, pensent qu’il
n’appartient qu’à un petit nombre de donner des conseils, et si quelque autre,
en dehors de ce petit nombre se mêle de donner un avis, ils ne le tolèrent pas,
comme tu dis, et ils ont raison selon moi. Mais
quand on délibère sur la politique où tout repose sur la justice et la
tempérance, ils ont raison d’admettre tout le monde, parce qu’il faut que tout
le monde ait part à la vertu civile ; autrement il n’y a pas de cité».
PLATON, Protagoras, 320 321c, Tr. Fr. Emile
Chambry
L’homme est une espèce naturelle mortelle, comme
les plantes et les animaux, mais n’a pas d’attributs propres à assurer
naturellement sa conservation, à l’inverse des animaux, parce qu’il ni outils naturels ni instinct lui dictant un
comportement à adopter dans chaque situation. A l’origine, dans le mythe,
l’homme est donc démuni de caractéristiques spécifiques pour assurer sa survie.
2 attributs
spécifiquement humains vont alors lui être donnés par les Dieux pour
assurer sa survie :
-
Le feu = outil à faire des outils
= intelligence technique : procédé infini de création.
-
Justice pour permettre aux
hommes de vivre ensemble. La politique sert à réguler les dangers de la technique non
maîtrisée.
ð
L’homme
est alors supérieur aux autres espèces car il récupère des attributs divins.
ð
L’intelligence
technique et morale-politique créent le monde culturel de l’homme et lui laisse
une possibilité infinie de création de ses conditions de vie.
Texte
2 : Rousseau, la culture est le développement naturel de la liberté et de
la perfectibilité humaines
Je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse, à qui la nature a
donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu’à un
certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J’aperçois précisément les mêmes choses dans
la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans
les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes, en qualité
d’agent libre. L’un choisit ou
rejette par instinct, et l’autre par un acte de liberté ; ce qui fait que
la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui
serait avantageux de le faire, et que l’homme s’en écarte souvent à son
préjudice. C’est ainsi qu’un pigeon mourrait de faim près d’un bassin rempli
des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits, ou de grain, quoique
l’un et l’autre pût très bien se nourrir de l’aliment qu’il dédaigne, s’il
s’était avisé d’en essayer. C’est ainsi
que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leur causent la fièvre et la
mort ; parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore,
quand la nature se tait.
Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées
jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du
plus au moins. Quelques philosophes ont même avancé qu’il y a plus de
différence de tel homme à tel homme que de tel homme à telle bête ; ce n’est donc pas tant l’entendement qui
fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité
d’agent libre. La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il
se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister ; et c’est surtout dans la
conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme : car
la physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation
des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le
sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes purement spirituels,
dont on n’explique rien par les lois de la mécanique.
Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laisseraient
quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a
une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut
y avoir de contestation, c’est la
faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l’aide des circonstances,
développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans
l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques
mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce
qu’elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l’homme seul
est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son
état primitif, et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien
non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme reperdant par la
vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait
acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ?
ROUSSEAU, Discours
sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1754
2 caractéristiques propres à l’homme : la liberté et la
perfectibilité.
-
Liberté : alors que l’animal agit par instinct,
l’homme fait des choix, choix qui peuvent aller contre ses besoins naturels. Il peut acquiescer ou résister aux tendances
naturelles qu’il sent en lui. Indétermination naturelle donc l’homme peut se
déterminer lui-même.
-
Perfectibilité : capacité de l’homme à
s’améliorer, à progresser, à utiliser des choses acquises par ses parents et
non données par la nature. Capacité à s’adapter aux circonstances extérieures comme les circonstances
climatiques, ce qui crée la diversité culturelle.
ð Capacités par lesquelles l’homme avance dans son
histoire. La culture = le produit de la liberté humaine et de sa capacité à
s’adapter aux circonstances extérieures.
ð Pb : Mais cette liberté peut aussi le rendre
méchant, si sa pitié naturelle est étouffée par sa raison.
ð
L’homme
a alors la liberté de créer n’importe quelles formes de vie. Pourrait-il créer
des formes culturelles qui le détruise ou qui détruise ses conditions de vie
sur Terre ?
II.
Mais certains développements
de la culture peuvent contraindre l’homme à des formes de vie qui semblent
inhumaines
Il se peut que certains développements du travail,
de la technique ou de la religion aillent à l’encontre d’une certaine
conception de la nature humaine.
Texte 3 :
Marx : le travail aliéné
En quoi consiste l’aliénation du travail ?
D’abord dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, cad qu’il n’appartient pas à son
essence, que donc, dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas, mais se nie,
ne se sent pas à l’aise, mais malheureux ; il n’y déploie pas une libre
activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son
esprit. En conséquence, l’ouvrier ne se sent lui-même qu’en dehors du
travail et dans le travail il se sent extérieur à lui-même. Il est à l’aise
quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sent pas à l’aise. Son travail n’est donc pas volontaire, mais
contraint, c’est du travail forcé. Il n’est donc pas la satisfaction d’un
besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail.
Le caractère du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe
pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme de la peste. Le
travail extérieur à l’homme, dans lequel il se dépouille, est un travail de
sacrifice de soi, de mortification. Enfin
le caractère extérieur à l’ouvrier du travail apparaît dans le fait qu’il n’est
pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que
dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas lui-même, mais appartient à un
autre. (...) On en vient donc à ce résultat que l’homme se sent agir
librement seulement dans ses fonctions animales : manger, boire et procréer, ou
encore, tout au plus, dans le choix de sa maison, de son habillement, etc ; en
revanche, il se sent animal dans ses fonctions proprement humaines. Ce qui est
animal devient humain, et ce qui est humain devient animal. Manger, boire, procréer, etc, sont certes
aussi des fonctions authentiquement humaines. Mais séparées abstraitement du
reste du champ des activités humaines et devenues ainsi la fin dernière et
unique, elles ne sont plus que des fonctions animales.
MARX, Manuscrits de 1844
Aliénation du travail = le travailleur est
dépossédé de son travail et de ses fruits, il ne travaille pas pour lui mais
pour un autre, qui le rémunère et qui possède ce qu’il produit. L’aliénation
détruit la liberté de l’activité de travail.
L’aliénation est un phénomène propre au régime
capitaliste où il y a une scission entre ceux qui possèdent les capitaux
(=capitalistes) et ceux qui n’ont que leur force de travail (=ouvriers). Les
ouvriers sont contraints de vendre leur force de travail aux capitalistes pour
gagner de quoi vivre (= reproduire sa force de travail). Donc ils ne
travaillent pas pour eux-mêmes mais pour le capitaliste à qui ils vendent leur
force de travail et qui garde le fruit de leur travail.
Plus-value = alors qu’en 6h l’ouvrier produit
suffisamment pour reproduire sa force de travail, le capitaliste lui demande de
travailler 14h et ne lui paie que la reproduction de sa force de travail, cad
ce qu’il a produit en 6h, sans lui payer le surplus. L’ouvrier n’est payé que
pour une partie de ce qu’il produit, le reste est capté par le capitaliste.
ð
Quelles
conséquences a cette aliénation économique sur le travailleur ?
Le travailleur ne fait rien de positif dans son
travail car il est au service d’un autre : il nie ses propres qualités, il
adapte son corps et son esprit à des formes de travail produites par le
capital. Il ne choisit pas ses conditions de travail mais doit se plier aux
ordres. L’homme est dépossédé de cette activité qui est pourtant spécifiquement
humaine. Le travailleur souffre au travail, qui n’est qu’un moyen de gagner sa
vie, cad pour vivre sa vie hors du travail. Il ne fait alors que manger, boire,
procréer, qui sont des actions animales : quand elles deviennent des fins
et non des moyens pour faire autre chose de sa vie, elles rabaissent l’homme au
rang de l’animal.
Texte 4 :
Feuerbach la religion sépare les hommes par la foi au lieu de les unir par
l’amour
C’est de plein droit que l’Eglise a damné ceux qui
croient autrement, ou en général les incroyants, car cette damnation réside
dans l’essence de la foi. La foi apparaît d’abord comme séparation sans préjugé
entre croyants et incroyants. Le croyant
a Dieu pour lui, l’incroyant l’a contre lui. (...) Mais ce qui a Dieu
contre lui, n’est rien, est rejeté, damné ; car ce qui a Dieu contre lui,
est contre Dieu. Croire signifie la même chose qu’être bon, ne pas croire la
même chose qu’être méchant. Limitée et fermée sur elle-même, la foi déplace tout
sur le domaine de la conviction. C’est par obstination et méchanceté que
l’incroyant est incroyant ennemi du Christ. La foi ne s’assimile donc que les croyants, et elle rejette les
incroyants. Elle est bonne à l’égard des croyants, mais méchante à l’égard des
incroyants. (...) Par essence la foi
condamne, damne. Elle amasse toute bénédiction, tout bien sur elle-même, sur
son Dieu, comme l’amant sur celle qu’il aime, tout en rejetant sur l’incroyant
toute malédiction, toute imperfection, tout mal. (...) Assurément le
christianisme n’ordonne pas de persécutions des hérétiques, encore moins de
conversions par la force armée. Mais
dans la mesure où la foi condamne, elle engendre nécessairement des
dispositions hostiles, les dispositions d’où nait la persécution des
hérétiques. Aimer l’homme qui ne croit pas au Christ est un péché contre le
Christ, signifie aimer l’ennemi du Christ. L’homme ne peut aimer ce que Dieu,
ce que le Christ n’aime point ; son amour serait en contradiction avec la
volonté divine, serait donc un péché. Certes Dieu aime tous les hommes, mais si
et parce qu’ils sont chrétiens ou du moins peuvent l’être ou veulent l’être.
(...) La foi supprime les liens naturels
de l’humanité et substitue à l’unité naturelle et universelle une unité particulariste.
FEUERBACH L’essence
du christianisme, 1841
La foi religieuse, cad croire dans un certain
nombre de dogmes et pratiquer certains rites, divise les hommes en différentes
croyances incompatibles et les amène à se haïr entre eux. La foi accepte tous ceux
qui croient de la même façon et rejettent les autres. La foi divise ainsi les
hommes entre les amis, qui croient dans la même chose, et les ennemis, qui
croient différemment.
La foi condamne tous ceux qui ne respectent pas ses
principes : Feuerbach explique ainsi les persécutions de hérétiques et les
conversions forcées, qui témoignent d’une imposition de la foi à ceux qui
croient autrement.
La foi divise donc les hommes, ce qui revient à
dissoudre l’unité naturelle de l’humanité et à remplacer l’humanité par un
groupe religieux particulier. Plutôt que de s’aimer tous entre eux, les hommes
n’aiment que ceux qui croient dans les mêmes Dieux.
Texte 5 :
Levi-Strauss le barbare c’est celui qui croit à la barbarie
Et pourtant il semble que la diversité des cultures soit rarement apparue aux hommes pour ce qu’elle
est : un phénomène naturel, résultant des rapports directs ou indirects
entre les sociétés ; ils y ont plutôt vu une sorte de monstruosité ou
de scandale ; dans ces matières, le progrès de la connaissance n’a pas
tellement consisté à dissiper cette illusion au profit d’une vue plus exacte
qu’à l’accepter ou à trouver le moyen de s’y résigner.
L’attitude la
plus ancienne,
et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle
tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une
situation inattendue, consiste à
répudier purement et simplement les formes culturelles morales, religieuses,
sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous
nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n’est pas de chez nous
», « on ne devrait pas permettre cela », etc., autant de réactions grossières
qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières
de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi l’Antiquité
confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis
gréco-romaine) sous le même nom de barbare; la civilisation occidentale a
ensuite utilisé le terme de « sauvage » dans le même sens. Or derrière ces
épithètes se dissimule un même jugement: il est probable que le mot barbare se
réfère étymologiquement à la confusion et à l’inarticulation du chant des
oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain; et sauvage, qui
veut dire « de la forêt », évoque aussi un genre de vie animale, par
opposition à la culture humaine. Dans
les deux cas, on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle; on
préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme
pas à la norme sous laquelle on vit.
Ce point de vue naïf, mais profondément ancré chez
la plupart des hommes, n’a pas besoin d’être discuté puisque cette brochure en
constitue précisément la réfutation. Il suffira de remarquer ici qu’il recèle
un paradoxe assez significatif. Cette
attitude de pensée, au nom de laquelle on rejette les « sauvages » (ou tous
ceux qu’on choisit de considérer comme tels) hors de l’humanité, est justement
l’attitude la plus marquante et la plus distinctive de ces sauvages mêmes. On
sait, en effet, que la notion d’humanité, englobant, sans distinctions de race
ou de civilisation, toutes les formes de l’espèce humaine, est d’apparition
fort tardive et d’expansion limitée. Là même où elle semble avoir atteint son
plus haut développement, il n’est nullement certain – l’histoire récente le
prouve – qu’elle soit établie à l’abri des équivoques ou des régressions. Mais,
pour de vastes fractions de l’espèce humaine et pendant des dizaines de
millénaires, cette notion paraît être totalement absente. L’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique,
parfois même du village; à tel point qu’un grand nombre de populations dites
primitives se désignent d’un nom qui signifie les « hommes » (ou parfois –
dirons-nous avec plus de discrétion – les « bons», les « excellents », les «
complets »), impliquant ainsi que les
autres tribus, groupes ou villages ne participent pas des vertus – ou même de
la nature – humaines, mais sont tout au plus composés de « mauvais », de «
méchants », de «singes de terre » ou « d’oeufs de pou ». On va souvent
jusqu’à priver l’étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un «
fantôme » ou une « apparition ».
Ainsi se réalisent de curieuses situations où deux
interlocuteurs se donnent cruellement la réplique. Dans les Grandes Antilles,
quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols
envoyaient des commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes
possédaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des blancs
prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre
était, ou non, sujet à la putréfaction. Cette anecdote à la fois baroque et
tragique illustre bien le paradoxe du relativisme culturel (que nous
retrouverons ailleurs sous d’autres formes) : c’est dans la mesure même où l’on prétend établir une discrimination
entre les cultures et les coutumes que l’on s’identifie le plus complètement
avec celles qu’on essaye de nier. En refusant l’humanité à ceux qui
apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de ses représentants,
on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare,
c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie ».
LEVI-STRAUSS, Race et histoire, 1952
La diversité culturelle est un phénomène naturel dû
à l’adaptation de la liberté humaine aux circonstances extérieures.
Mais l’attitude ethnocentriste est courante chez
les hommes : rejeter la différence culturelle hors de l’humanité, en
considérant la différence comme une infériorité. Tendance qui pousse à rejeter
hors de la culture tout ce qui ne nous convient pas, en disant que ce sont des
sauvages pas évolués.
Mais faire des différences et des hiérarchies entre
les cultures et les coutumes, c’est faire ce que font ces peuples qu’on appelle
sauvages : rejeter ce qu’ils ne connaissent pas hors de la culture.
Attitude ethnocentriste courante chez les hommes mais dont on peut se défaire. Le vrai barbare n’est pas celui qui est
désigné comme tel car il serait différent, mais celui qui désigne les autres
comme tel, car il croit à la barbarie, cad à la différence entre les peuples et
il n’accepte pas la diversité culturelle, au point de nier l’humanité des
autres hommes.
PB : Mais quel est cet idéal de nature humaine
qui serait dévoyé par certaines formes culturelles ? Comment le
délimiter ? Il se pourrait qu’il change en fonction des périodes
historiques et des intérêts sociaux et politiques : est-ce une norme
illusoire ?
III.
Rendre la culture plus
humaine est une action collective politique
Il n’existe pas de définition a priori de
l’humanité qui serait la même depuis l’Antiquité : la notion d’humanité
est toujours redéfinie selon les contextes et les enjeux socio-politiques. Dans
l’Antiquité, l’humanité exclut les femmes et les esclaves. La DDHC exclut les
femmes.
Chercher à
rendre l’homme plus humain = chercher à adapter l’homme à une norme jugée
meilleure pour lui, mais on ne sera jamais sûr de la qualité intrinsèque (en
soi) de cette norme.
Texte 6 :
Jonas principe de précaution pour encadrer l’usage de la technique
Le Prométhée
définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore
connues, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l'homme de devenir
une malédiction pour lui. (…) Qu'est-ce qui peut servir de boussole ?
L'anticipation de la menace elle-même ! C'est seulement dans les premières
lueurs de son orage qui nous vient du futur, dans l'aurore de son ampleur
planétaire et dans la profondeur de ses enjeux humains, que peuvent être
découverts les principes éthiques, desquels se laissent déduire les nouvelles
obligations correspondant au pouvoir nouveau. Cela, je l'appelle “heuristique de la peur”. Seule la prévision de la déformation de
l'homme nous fournit le concept de l’homme qui permet de nous en prémunir
(…). Mais le véritable thème est ce devoir nouvellement apparu que résume le
concept de responsabilité. Sans doute n'est-ce pas un phénomène nouveau dans
l’éthique. La responsabilité n'a pourtant jamais eu un tel objet, de même
qu'elle a peu occupé la théorie éthique jusqu'ici. Le savoir, aussi bien que le
pouvoir, étaient trop limités pour incorporer l'avenir plus lointain dans la
prévision, bien plus, pour inclure la planète entière dans la conscience de la
causalité personnelle. Plutôt que de deviner vainement les conséquences
tardives, relevant d'un destin inconnu, l'éthique se concentrait sur la qualité
morale de l'acte momentané lui-même, dans lequel on doit respecter le droit du
prochain qui partage notre vie. Sous le
signe de la technologie par contre, l'éthique a affaire à des actes (quoique ce
ne soient plus ceux d'un sujet individuel), qui ont une portée causale
incomparable en direction de l'avenir et qui s'accompagnent d'un savoir
prévisionnel qui, peu importe son caractère incomplet, déborde lui aussi tout
ce qu'on a connu autrefois. Il faut y ajouter l’ordre de grandeur des
actions à long terme et très souvent également leur irréversibilité. Tout cela
place la responsabilité au centre de l'éthique, y compris les horizons d'espace
et de temps qui correspondent à ceux des actions.”
JONAS, Le principe responsabilité, 1979
Le pouvoir de la technique est devenu trop grand
sur l’espèce humaine, car il peut maintenant la détruire (bombe nucléaire). Il
faut trouver un moyen de réguler la technique pour permettre aux générations
futures de vivre sur Terre : c’est la peur de détruire la vie humaine qui
doit nous prémunir d’un usage dangereux de la technique. On ne peut pas
anticiper tous les effets de la technologie donc il faut réguler la technique
avec prudence.
2 ex de
solutions chez Marx pour désaliéner le travail
Texte 7 :
Marx suppression de la propriété privée pour désaliéner le travail et rendre
l’homme plus humain
Le communisme
est, en tant qu’abolition positive de la propriété privée (elle-même aliénation
humaine de soi), appropriation réelle de l’essence humaine par l’homme et pour
l’homme. C’est le retour complet de l’homme à lui-même en tant qu’être pour
soi, cad en tant qu’être social, humain, retour conscient et qui s’accomplit en
conservant toute la richesse du développement antérieur. En tant que naturalisme
achevé, ce communisme est humanisme ; en tant qu’humanisme achevé, il est
naturalisme. Il est la vraie solution de l’antagonisme entre l’homme et la
nature, entre l’homme et l’homme, la vraie solution du conflit entre
l’existence et l’essence, entre l’objectivation et l’affirmation de soi, entre
la liberté et la nécessité, entre l’individu et l’espèce. Il est l’énigme
résolue de l’histoire et il en est conscient.
MARX, Manuscrits
de 1844
L’aliénation du travail est due au fait que
l’ouvrier vend sa force de travail au capitaliste car il ne possède pas les
capitaux pour travailler par lui-même. Supprimer la propriété privée et faire
de chaque capital un élément du capital social possédé par toute la société serait
un moyen pour que chacun se réapproprie l’activité de travail et ses fruits.
Texte 8 :
Marx protection du travail par l’union des ouvriers pour garantir les
conditions de travail
Il faut avouer que notre travailleur ne sort pas de
procès de production dans l’état où il y est entré. Il se présentait sur le
marché comme possesseur de la marchandise « force de travail », face
à d’autres possesseurs de marchandises, d’égal à égal. Le contrat par lequel il
vendait sa force de travail au capitaliste prouvait en quelque sorte noir sur
blanc qu’il disposait librement de lui-même. Mais le marché une fois conclu, on
découvre qu’il n’est pas « un agent libre », que le temps pour lequel
il est libre de vendre sa force de travail est le temps pour lequel il est
forcé de la vendre, qu’en réalité le vampire qui le suce ne lâche pas prise
« tant qu’il y a encore un muscle, un nerf, une goutte de sang à
exploiter ». Pour se
« protéger » du serpent de leurs tourments, les ouvriers doivent se
rassembler en une seule troupe et conquérir en tant que classe une loi d’Etat,
un obstacle social plus fort que tout, qui les empêche de se vendre eux-mêmes
au capital en négociant un libre contrat, et de se promettre, eux et à leur
espèce, à la mort et à l’esclavage.
MARX, Le
Capital, Ch VIII, La Journée de
travail
L’économie fait croire que les
capitalistes/ouvriers sont libres contractants alors que le rapport est
disproportionné car l’ouvrier a un besoin immédiat de gagner de quoi reproduire
sa force de travail.
Les ouvriers doivent donc se rassembler pour se protéger
des capitalistes, notamment en régulant les conditions de travail par le droit
du travail, qui limite la durée quotidienne du travail par exemple.
Conclusion
C’est par la culture que l’homme actualise ses
potentialités, comme le langage, la technique et le travail, et ainsi se
distingue de l’animal, qui a déjà tout ce dont il a besoin dès sa naissance.
Mais cette liberté humaine peut aussi mettre en péril certaines de ses
conditions de vie, quand elle en vient à produire un travail déshumanisant ou
des religions qui divisent les hommes au lieu des les unir. C’est alors à
l’homme lui-même, en collectivité, de se donner les moyens de dessiner des
conditions de vie qui correspondent à l’image qu’il se fait de son humanité.
L’humanité n’est donc pas un idéal a priori mais une norme que les hommes
redéfinissent politiquement en contexte.
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