lundi 3 septembre 2018

Exemplier introduction Partie 1 : Qu'est-ce que la philosophie ?


Texte 1
Tous les hommes désirent naturellement savoir ; ce qui le montre, c'est le plaisir causé par les sensations, car, en dehors même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et, plus que toutes les autres, les sensations visuelles. En effet, non seulement pour agir, mais même lorsque nous ne nous proposons aucune action, nous préférons, pour ainsi dire, la vue à tout le reste. La cause en est que la vue est, de tous nos sens, celui qui nous fait acquérir le plus de connaissances et nous découvre une foule de différences. Par nature, les animaux sont doués de sensation, mais chez les uns, la sensation n'engendre pas la mémoire, tandis qu'elle l'engendre chez les autres. Et c'est pourquoi ces derniers sont à la fois plus intelligents et plus aptes à apprendre que ceux qui sont incapables de se souvenir ; sont seulement intelligents, sans posséder la faculté d'apprendre, les êtres incapables d'entendre les sons, tels que l'abeille et tout autre genre d'animaux pouvant se trouver dans le même cas ; au contraire, la faculté d'apprendre appartient à l'être qui, en plus de la mémoire, est pourvu du sens de l'ouïe.
(...)
C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance(...).
Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre.
Aristote, Métaphysique, A, 1, 980a-982b, tr. fr. Tricot, éd. Vrin

2)      Comment Aristote justifie-t-il le désir naturel de savoir de l’homme ?
3)      Pourquoi l’étonnement est-il à l’origine de la philosophie ? Quel est le rapport de l’étonnement à l’ignorance et au savoir ?

4)      Hormis la philosophie, comment pourrait-on tenter d’échapper à l’ignorance ?

Texte 2

(Socrate vient de demander à Ménon de lui exposer ce qu'est la vertu)

MÉNON – La chose n'est pas difficile à expliquer, Socrate. Tout d'abord, si c'est la vertu d'un homme que tu veux connaître, rien de plus aisé : la vertu d'un homme consiste à être capable d'administrer les affaires de la cité et, en les administrant, de faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis, en se gardant soi-même de tout mal. Si c'est la vertu d'une femme, elle n'est pas difficile à définir : le devoir d'une femme est de bien gouverner sa maison, de conserver tout ce qui est dedans et d'être soumise à son mari. Il y a aussi une vertu propre à l'enfant, fille ou garçon, et une propre au vieillard, soit libre, soit esclave. Il y en a une foule d'autres encore ; aussi n'est-on pas embarrassé pour définir la vertu. Pour chaque action, pour chaque âge, pour chaque ouvrage, chacun de nous a sa vertu particulière. Et il en est de même du vice, Socrate, à ce que je crois.

SOCRATE  – J'ai, ma foi, beaucoup de chance, Ménon : je ne cherchais qu'une unique vertu, et je trouve logé chez toi un essaim de vertus. Mais, pour suivre cette image de l'essaim, suppose que je te demande quelle est la nature de l'abeille et que tu dises qu'il y en a beaucoup et de plusieurs espèces ; que répondrais-tu, si je te demandais : « Veux-tu dire que c'est par le fait que ce sont des abeilles, qu'elles sont nombreuses, de diverses espèces et différentes les unes des autres ; ou n'est-ce point par là qu'elles diffèrent, mais par autre chose, par exemple, par la beauté, la taille ou quelque autre caractère du même genre [qu'elles sont des abeilles] ? » Dis-moi, que répondrais-tu si on te posait ainsi la question ?

MÉNON – Voici ce que je répondrais, c'est qu'en tant qu'abeilles, elles ne diffèrent aucunement, l'une de l'autre. […]

SOCRATE – De même au sujet des vertus, quelque nombreuses et diverses qu'elles soient, elles ont toutes un caractère commun, qui fait qu'elles sont des vertus. C'est sur ce caractère qu'il convient d'avoir les yeux pour répondre à la question et montrer en quoi consiste la vertu.

Platon, Ménon, 72ad
Texte 3

SOCRATE – De même toutes les belles choses ne sont-elles pas belles par la beauté ?

HIPPIAS –Oui, par la beauté. (...)

SOCRATE – « Dis-moi maintenant, étranger, poursuivra-t-il, ce que c’est que cette beauté. »

HIPPIAS – Le questionneur, n’est-ce pas, Socrate, veut savoir quelle chose est belle ?

SOCRATE – Je ne crois pas, Hippias ; il veut savoir ce qu’est le beau.

HIPPIAS – Et quelle différence y a-t-il de cette question à l’autre ?

SOCRATE – Tu n’en vois pas ?

HIPPIAS – Je n’en vois aucune.

SOCRATE – Il est évident que tu t’y entends mieux que moi. Néanmoins, fais attention, mon bon ami : il ne te demande pas quelle chose est belle, mais ce qu’est le beau.

HIPPIAS – C’est compris, mon bon ami, et je vais lui dire ce qu’est le beau, sans crainte d’être jamais réfuté. Sache donc, Socrate, puisqu’il faut te dire la vérité, que le beau, c’est une belle fille.

SOCRATE – Par le chien, Hippias, voilà une belle et brillante réponse. Et maintenant crois-tu, si je lui réponds comme toi, que j’aurai correctement répondu à la question et que je n’aurai pas à craindre d’être réfuté ?

HIPPIAS –Comment pourrait-on te réfuter, Socrate, si sur ce point tout le monde est d’accord avec toi et si tes auditeurs attestent tous que tu as raison ?

SOCRATE – Soit, je le veux bien. Mais permets, Hippias, que je prenne à mon compte ce que tu viens de dire. Lui va me poser la question suivante : « Allons, Socrate, réponds. Toutes ces choses que tu qualifies de belles ne sauraient être belles que si le beau en soi existe ? » Pour ma part, je confesserai que, si une belle fille est belle, c’est qu’il existe quelque chose qui donne leur beauté aux belles choses. (...) « Tu es bien bon, Socrate, dira-t-il. Mais une belle jument, n’est-ce pas quelque chose de beau ? » (...) « Bien. Et une belle lyre, n’est-ce pas quelque chose de beau ? » (...) « Et une belle marmite, mon excellent ami ? N’est-ce pas une belle chose ? » (...) Mais, poursuivra-t-il, si je t’avais demandé tout d’abord, qu’est-ce qui est à la fois beau et laid, et si tu m’avais répondu ce que tu viens de répondre, ta réponse serait juste. Mais le beau en soi qui orne toutes les autres choses et les fait paraître belles, quand cette forme s’y est ajoutée, crois-tu encore que ce soit une fille, ou une jument, ou une lyre ?

HIPPIAS – (...) Veux-tu que je dise, Socrate, comment tu dois lui définir le beau pour te débarrasser de tout ce verbiage ? (...) Ce que tu veux pouvoir répondre, c’est, si je ne me trompe, que le beau est quelque chose qui ne paraîtra laid en aucun temps, en aucun lieu, à aucun homme.

Platon, Hippias majeur, 287d-291e, tr.fr E. Chambry (texte coupé)

1)      Que cherche Socrate dans ces deux dialogues ?
2)      Comment Hippias et Ménon lui répondent-ils ?
3)      Qu’est-ce que cela vous indique sur le questionnement philosophique ?
4)      Quel serait alors le rôle de l’exemple en philosophie ? Comment ne pas tomber dans la même erreur que Ménon et Hippias ?



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