Introduction
Attention :
pourquoi parler de la science au singulier ? Unité de méthode, d’objets,
de résultats, de buts ? Unité qui n’est pas du tout évidente.
Chapitre
d’épistémologie cad sur les conditions et les formes du savoir : comment
la science connait-elle le monde ? Comment construit-elle son
savoir ? Comment vérifie-t-elle son savoir ? Comment expose-t-elle
son savoir ?
2
façons pour la raison humaine de connaitre :
-
Soit
la raison se connaît elle-même : elle connait des idées qu’elle a
produites elle-même (idées mathématiques, logiques), sans chercher le rapport à
l’expérience, et sur lesquelles elle trouve des vérités de raison, qui sont a
priori (= découvertes avant l’expérience). Elle procède par déduction
(=opération de la pensée qui permet de conclure de manière nécessaire une
proposition à partir d’une ou de plusieurs autres qui la précèdent), notamment
dans la démonstration (=procédure qui déduit nécessairement une conclusion d’un
ensemble de prémisses). La démonstration implique des éléments non
démontrables :
o
Axiome :
proposition qu’on ne démontre pas car considérée comme évidente (ex : le
tout est plus grand que la partie)
o
Postulat :
proposition non démontrable et non évidente qu’on demande d’accepter pour le
raisonnement (ex : on peut prolonger indéfiniment une droite).
-
Soit
la raison connait ds faits extérieurs à elle-même : elle connait des faits
du monde réel, social, biologique qui l’entoure (SN/SH). Elle cherche donc le
rapport à l’expérience, y trouve des vérités de fait, qui sont a posteriori
(=découvertes après l’expérience). Elle cherche à relier les faits entre eux, à
comprendre lesquels sont les causes d’autres. Elle procède notamment par
induction (=opération de la pensée qui généralise une loi à partir d’un
ensemble de faits particuliers observés). Pb de l’induction : comment être
sûr que cette loi générale s’applique vraiment à tous les cas particuliers
(comment savoir que le soleil se lèvera demain ? demande Hume).
ð Mais le raisonnement logique
permet d’établir des vérités de fait, et les vérités de fait peuvent donner les
prémisses d’une démonstration (ex du syllogisme sur Socrate mortel). Les deux
aspects sont à l’oeuvre dans le raisonnement scientifique
Différents
types de sciences selon leur objet et leur scientificité :
-
Sciences
formelles : maths, logique = sciences de la raison. Validité des résultats
dépend de la validité des raisonnements
-
Sciences
expérimentales : SN/SH = science des faits. Validité des résultats dépend
de l’adéquation avec l’expérience observée (astronomie) ou créée (physique,
psychologie, sociologie)
A.
Le savoir scientifique
provient-il de l’expérience ? Démonstration, théorie et expérience
Le savoir scientifique est-il le résultat d’une
accumulation de découvertes, ou d’une accumulation de théories ?
L’expérience suffit-elle à fonder et à justifier une connaissance ?
Qu’est-ce qui garantit la véracité d’un savoir scientifique : la conformité
avec l’expérience, la démonstration, l’adéquation avec une thèse
pré-existante ?
Pb : la science est en rupture avec
l’expérience sensible ordinaire (le Soleil semble tourner autour de la Terre)
mais en même temps elle se fonde dessus pour confirmer ses savoirs (Galilée
prévoit les mouvements des astres). La science semble donc avoir un rapport à
l’expérience qui n’est pas celui d’une simple description. Quel est donc ce
rapport ?
1) La science est fondée sur l’expérience, dont elle cherche les
lois
Science expérimentale moderne nait avec Bacon, Novum Organum qui privilégie le savoir
issu de l’expérience plutôt que les spéculations théoriques abstraites qui ne
semblent pas avoir d’assises sur le réel.
Concret :
ce qui existe par soi-même réellement
Abstrait :
ce qui a été extrait de, par un processus intellectuel
ð
Que
fait la science face au réel ?
Texte 1
Comte :
la science utilise les observations qui se rattachent à une loi (= proposition
qui lient nécessairement deux phénomènes), pour prédire des phénomènes.
Comment établir des lois ?
-
Induction :
à partir de cas singuliers qui se répètent à l’identique on tire une loi
générale
-
Déduction :
à partir d’une loi générale on tire une loi particulière qui s’applique à un
ensemble de cas particuliers inclus dans la loi générale.
-
Méthode
hypothético-déductive : formuler une hypothèse (=supposition quant à
l’existence d’un fait) pour en déduire des conséquences futures ou passées pour
tester sa véracité.
Pb de ces méthodes :
-
Pb
de l’induction : comment être sûr de bien généraliser ? Comment être
sur que l’observation de certains faits permet de savoir ce qui sera
toujours ? Pb du passage de l’être, ce qui est actuellement, au
devoir-être, ce qui est toujours ainsi.
-
Pb
de la déduction : comment trouver les lois générales sur lesquelles se
fonde le raisonnement ?
2
objections
-
L’observation
est-elle si directe et si simple que Comte le laisse penser ?
L’observation
mobilise des instruments scientifiques produits par des connaissances
antérieures et des théories qui donnent un sens aux observations particulières.
On peut même trouver des théories exactes sans recours à l’observation (ex
découverte de la circulation sanguine par Harvey).
Il
semble donc qu’il y ait déjà des théories qui façonnent notre rapport à
l’expérience et le sens qu’on lui donne. Il n’y a pas d’observation naïve.
-
Comment
être sûr qu’il y a des lois à chercher dans la réalité physique, biologique,
sociale, économique etc ? Sont-ce les lois de la réalité elle-même ou des
théories que l’homme plaque sur la réalité pour la comprendre ?
2) Mais l’expérience est construite par la théorie scientifique :
l’expérimentation teste la théorie
Le savoir scientifique n’est pas seulement une
copie de l’expérience ordinaire : la science produit une expérimentation
en mettant en place des conditions précises d’expérience, en délimitant un
élément à tester à partir de ses théories. L’expérimentation nécessite donc une
théorie, cad des savoirs accumulés qu permettent de distinguer des problèmes à
affronter et de possibles solutions.
Le scientifique sait donc ce qu’il va chercher
quand il fait une expérience : ce n’est pas de la pure passivité, il est
guidé par une théorie.
Texte 2 :
Bernard distingue
l’observateur qui recueille les phénomènes que la nature lui offre, de
l’expérimentateur qui modifie les phénomènes naturels. La science n’est donc
pas faite d’une simple constatation des faits mais raisonne sur les
observations, les compare, produit des faits d’expérimentation.
Texte 3 :
Duhem : l’expérience
implique une observation mais aussi immédiatement une interprétation des
phénomènes observés, interprétation qui se fait à l’aune de théories scientifiques
pour donner sens à ce qui est observé (interpréter les données que donnent les
instruments scientifiques, ce qu’elles signifie, ce qu’on peut en conclure).
Texte 4 :
Bachelard : l’observation
même n’est jamais naïve : elle est toujours polémique cad qu’elle répond à
une thèse antérieure. L’expérimentation est encore plus polémique car elle fait
en sorte que les phénomènes se coulent dans les instruments, dans des théories
matérialisées.
ð
L’expérimentation
scientifique n’est pas l’expérience ordinaire naïve, mais l’utilisation
consciente et volontaire du recours à une expérience maitrisée, qui veut
prouver une théorie.
ð
Pb :
une expérimentation permet-elle de prouver ou de démontrer une théorie ?
Peut-on définitivement prouver une hypothèse par une expérimentation ? Il
est parfois difficile d’isoler le facteur testé, notamment en sciences
humaines, comme en psycho (effet d’Hawthorne).
ð
Mais
alors, la science ne fait-elle que tester des théories sans rien prouver
définitivement ?
3) Paradigmes et révolutions scientifiques : nouveaux critères
de vérité et nouvelle conception de la réalité
Texte 5/6 :
Popper : la
science ne cherche pas à confirmer définitivement des théories quand elle les
teste par l’expérience, mais à les réfuter. Certaines thèses de la théorie
doivent pouvoir être en conflit avec l’expérience. Pouvoir être testée par
l’expérience = pouvoir être réfutée. Si la théorie ne peut être réfutée, elle
est conservée provisoirement : on dit qu’elle est corroborée. Une théorie
n’est donc acceptée que provisoirement, sans garantie d’être toujours valable
dans plusieurs siècles. Une théorie n’est donc pas définitivement acceptée
3 étapes de la méthode de Popper :
-
Est-ce
que la théorie a une cohérence interne ?
-
Est-ce
que la forme logique de la théorie est meilleure que la précédente ?
-
Traduire
les conclusions de la théorie en applications empiriques pour la tester
ð
Mais
alors, la science passe-t-elle son temps à tester des théories sans être sûre
de rien ? Est-on face à un scepticisme scientifique ?
Texte 7/8
Kuhn : Non
les scientifiques ont aussi leurs croyances qu’ils ne remettent pas en question
tous les jours. Kuhn distingue trois temps scientifiques
-
Science
normale = un paradigme cad un ensemble des théories, expériences, problèmes scientifiques,
instruments, est utilisé tous les jours par les scientifiques.
-
Crise :
la science normale n’arrive plus à expliquer certains phénomènes, elle produit
des anomalies théoriques qui ne correspondent pas à l’expérience
-
Révolution
scientifique : pour résoudre les problèmes de la science normale, on
change de paradigme pour mieux expliquer les phénomènes qui posent problème.
ð
Une
théorie scientifique peut donc être dépassée si on en trouve une qui explique
mieux la réalité. Le savoir scientifique n’est donc pas une simple accumulation
de connaissances mais un ensemble de mutations, de transformations radicales
parfois qui impliquent un renouvellement complet du système d’explication (par
ex le passage du géocentrisme à l’héliocentrisme).
ð
La
science ne produit pas de vérité stable, définitive, mais un ensemble de
savoirs en mutation. Popper : « la science est une maison sur
pilotis ». La vérité peut être définitive au sein d’un paradigme mais
celui-ci peut être remis en question. Le réel n’est toujours atteint que par
des théories qui orientent notre façon de l’expliquer : on n’atteint
jamais directement le réel, il est plutôt l’horizon de nos théories.
B.
Les sciences humaines
sont-elles des sciences ?
1)
Les sciences humaines
n’utilisent pas les mêmes méthodes que les sciences dites naturelles :
compréhension vs explication
Texte 1 Dilthey
Les
SN expliquent les phénomènes cad donnent les causes nécessaires et objectives
des phénomènes. Les SN cherchent les lois générales qui rendent toujours raison
d’un phénomène donné.
Les
SH utilise les données issues des représentations humaines : la sociologie
et l’histoire utilisent les représentations des actions des individus, la
psychologie et la sociologie cherchent les motifs de leurs actions. Les hommes
donnent un sens à leur action, ils savent pourquoi ils agissent ainsi :
ils ont des motifs, cad des raisons personnelles d’agir. Les SH cherchent à
comprendre ces motifs, subjectifs, particuliers, cad à saisir le sens que les
hommes donnent à leurs actes.
Expliquer
= chercher les causes => méthode hypothético-déductive
Comprendre
= chercher le sens => interprétation.
Mais
les deux méthodes se mêlent parfois (il y a de l’explication en économie, en
psychologie, et il y a de l’interprétation en SN).
2)
Les difficultés
épistémologiques des sciences humaines
Texte 2 :
Piaget : SN : Objet scientifique est différent que le scientifique (roche,
électron)
SH : homme est à la fois l’objet scientifique
et le scientifique. L’homme est celui qui observe ou expérimente : il peut
être modifié par les phénomènes observés, et il peut modifier les phénomènes
(ex effet Hawthorne).
Il peut être difficile pour le scientifique de se
décentrer, cad de pouvoir étudier du dehors les phénomènes.
2 pb que pointe Piaget :
-
quand
l’observateur est engagé dans les phénomènes, difficile de distinguer le sujet
observé/observateur (ex : Rosanvallon)
-
quand
l’observateur est engagé il peut croire connaitre les faits qu’il observe et
être moins rigoureux dans son approche (ex :
Annette Wiener à Kiriwina 45 ans après Malinowski).
3) Mais ces difficultés ne sont pas propres aux sciences humaines,
qui ont leur propre scientificité
Texte 3 :
Febvre L’histoire
est choix en raison de son objet (les événements passés dont on ne garde pas
toutes les traces) et de l’historien qui cherche à résoudre un problème précis.
Mais le biologiste et le physicien aussi créent des phénomènes, ils ne sont
jamais face à des faits bruts. Le rôle des théories est aussi important en SH
qu’en SN.
ð
Quelle
scientificité alors ? Contestation interne aux disciplines, redéfinition
des concepts, des méthodes, des objets
-
Histoire
événementielle qui travaille sur les documents issus des événements passés
Langlois Seignobos
-
Histoire
des Annales qui travaille sur des phénomènes de très longue durée, s’inspirant
de la sociologie et de l’économie Bloch et Febvre
-
Histoire
sérielle et quantitative économique et sociale Chaunu
Texte 4 Levi
Strauss :
ex de scientificité en anthropologie :
-
Objectivité :
s’élever au-delà des valeurs de l’observateur pour atteindre une formulation
valide pour tous, par de nouveaux concepts
-
Systématicité :
chercher un système dont tous les aspects sont organiquement liés pour trouver
une forme commune à toutes les sociétés. Par ex, le système de parenté.
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