I.
La prétention de la morale à
l’universalité
3 types de morale :
-
Ethique des vertus
Texte 1
Aristote : l’exercice des vertus produit le bonheur
Puisque le bonheur est une certaine activité de
l’âme en accord avec une vertu parfaite, c’est la nature de la vertu qu’il
nous faut examiner : car peut-être ainsi pourrons-nous mieux considérer la
nature du bonheur lui-même. (…) Et par vertu humaine nous entendons non pas
l’excellence du corps, mais bien celle de l’âme, et le bonheur est aussi pour
nous une activité de l’âme. (…) Nous distinguons les vertus intellectuelles et les
vertus morales : la sagesse, l’intelligence, la prudence sont des vertus
intellectuelles ; la libéralité et la modération sont des vertus morales. (…)
On n’est pas un
véritable homme de bien quand on n’éprouve aucun plaisir dans la pratique des
bonnes actions, pas plus que ne saurait être jamais appelé juste celui qui
accomplit sans plaisir des actions justes, ou libéral celui qui n’éprouve aucun
plaisir à faire des actes de libéralité, et ainsi de suite. S’il en est ainsi, c’est en elles-mêmes que les actions
conformes à la vertu doivent être des plaisirs.
Les productions de l’art ont leur valeur en elles-mêmes ; il suffit que la
production leur confère certains caractères. Au contraire,
pour les actions faites selon la vertu, ce n’est pas par la présence en elles
de certains caractères intrinsèques qu’elles sont faites d’une façon juste ou
modérée. Il faut encore que l’agent
lui-même soit dans une certaine disposition quand il les accomplit : en premier
lieu, il doit savoir ce qu’il fait ; ensuite, choisir librement l’acte en
question et le choisir en vue de cet acte lui-même ; et en troisième lieu ;
l’accomplir dans une disposition d’esprit ferme et inébranlable.
Aristote, Ethique à Nicomaque, IVème siècle av JC
-
Déontologisme
Texte 2
Kant : l’intention bonne fait le devoir.
De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le
monde, et même en général en dehors du monde, il n'y a qu'une seule chose qu'on puisse tenir pour bonne sans
restriction, c'est une bonne volonté. L'intelligence, la finesse, le
jugement, et les talents de l'esprit, quelque nom qu'on leur donne, ou le
courage, la résolution, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont
sans doute choses bonnes et désirables à beaucoup d'égards ; mais ces dons de
la nature peuvent devenir aussi extrêmement mauvais et pernicieux, lorsque la
volonté, qui doit en faire usage, et dont la disposition propre s'appelle pour cette raison caractère, n'est pas bonne.
Il en est de même des dons de la fortune. Le pouvoir, la richesse, l'honneur,
la santé même, tout le bien-être, et ce parfait contentement de son état qu'on
appelle le bonheur, tout cela nous donne confiance en nous, qui dégénère même
souvent en présomption, lorsqu'il n'y a pas là une bonne volonté pour en
redresser l'influence sur l'esprit, par là tout le principe de l'action, et les
rendre universellement conformes à des fins. Ajoutez d'ailleurs qu'un
spectateur raisonnable et impartial ne peut voir avec satisfaction que tout
réussisse toujours à un être qui n'orne aucun trait de pure et bonne
volonté.(…)
Ce qui fait
que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce
n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le
vouloir ; c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est bonne ; et, considérée en
elle-même, elle doit sans comparaison être estimée bien supérieure à tout ce
qui pourrait être accompli par elle uniquement en faveur de quelque inclination
et même, si l'on veut, de la somme de toutes les inclinations. Alors même que,
par une particulière défaveur du sort, ou par l'avare dotation d'une nature
marâtre, cette volonté serait complètement dépourvue du pouvoir de faire
aboutir ses desseins ; alors même que dans son plus grand effort elle ne
réussirait à rien ; alors même qu'il ne resterait que la bonne volonté toute
seule (je comprends par-là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple
vœu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer), elle n'en
brillerait pas moins, ainsi qu'un joyau, de son éclat à elle, comme quelque
chose qui a en soi sa valeur tout entière. L'utilité
ou l'inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur.
Kant, Fondements
de la métaphysique des mœurs, 1785
Texte 3
Kant : la raison pratique donne la loi universelle du devoir
La raison pure
est pratique par elle seule et donne à l’homme une loi universelle, que nous
nommons la loi morale
[...] S'appliquant aux hommes, la loi a
la forme d’un impératif, parce qu’on peut, à la vérité, supposer en eux, en
tant qu’êtres raisonnables, une volonté pure, mais non leur attribuer, en
tant qu’êtres soumis à des besoins et à des causes sensibles de mouvement, une
volonté sainte, c’est-à-dire une volonté qui ne soit capable d’aucune maxime
contradictoire avec la loi morale. Pour
eux la loi morale est donc un impératif,
qui commande catégoriquement, puisque la loi est inconditionnée ; le
rapport d'une volonté telle que la leur à cette loi est la dépendance qui sous
le nom d’obligation désigne une contrainte, imposée toutefois par la simple
raison et sa loi objective, pour l’accomplissement d’une action qui s’appelle
devoir.
Kant, Critique
de la raison pratique, 1788
-
Utilitarisme
Texte 4
Mill : La morale doit être soumise à la raison et au calcul des
conséquences de l’acte
Que le bonheur
constitue ou non la fin ultime de la moralité, il est essentiel, en tout cas, pour l'idée même de philosophie morale,
que la moralité se réfère à quelque fin, qu'elle ne soit pas laissée sous la
domination de sentiments vagues ou d'une conviction intérieure inexplicable -
qu'elle soit soumise à la raison et au calcul et non au seul sentiment.
Cela seul peut permettre que des arguments soient formulés et qu'une discussion
soit possible dans ce domaine. Que la
moralité de nos actions dépende des conséquences qu'elles produisent est la
doctrine commune aux personnes raisonnables de toutes les écoles. Que le bien
ou le mal attaché à ces conséquences se mesure exclusivement à travers la peine
ou le plaisir qu'elles procurent est le seul point de doctrine qui appartienne
en propre à l'école utilitariste.
Mill, Essai sur Bentham, 1838
Texte 5
Mill : L’action est bonne si elle produit le plus grand bonheur total.
L'école qui accepte comme fondement de la morale le
principe d'utilité ou du plus grand bonheur pose que les actions sont
moralement bonnes (right) dans la mesure où elles tendent à promouvoir
le bonheur, moralement mauvaises dans la mesure où elles tendent à produire le
contraire du bonheur. Par
"bonheur", on entend le plaisir et l'absence de douleur ; par
"malheur", la douleur et la privation de plaisir. […]
Ce critère n'est pas le plus grand
bonheur de l'agent lui-même, mais la plus grande somme de bonheur au total.
Selon le principe du plus grand bonheur, tel qu'il a été expliqué précédemment,
la fin ultime, celle en fonction et en
vertu de laquelle sont désirables toutes les autres choses désirables (que
nous considérions notre propre bien ou celui des autres), consiste à pouvoir mener une existence aussi dépourvue de souffrance
que possible et aussi riche que possible de satisfactions tant en quantité
qu'en qualité ; le critère de la qualité, et la règle qui permet de la
comparer à la quantité étant représentés par la préférence que manifestent ceux
qui, tant par leurs possibilités d'expérience que par leur pratique de
l'analyse et de l'observation de soi-même, sont les mieux à même d'établir des
comparaisons. Étant donné que c'est là, selon l'opinion utilitariste, la
finalité de l'action humaine, c'est nécessairement également la norme de la
moralité ; celle-ci peut donc, en
conséquence, être définie comme l'ensemble des règles et des préceptes de la
conduite humaine dont le respect serait de nature à assurer, dans la plus large
mesure possible, une telle existence à toute l'humanité ; et il faut ajouter
que cela s'applique aussi, autant que le permet la nature des choses, à
l'ensemble des créatures capables de sensation.Dans tous les cas où l’on serait dit communément faire un jugement éthique, la fonction du mot éthique employé est purement « émotive ». Il est employé pour exprimer des sentiments au sujet de certains objets mais non pour formuler une assertion à leur sujet. (…)
Mill, L'utilitarisme,
1861
II.
Les jugements moraux sont
déterminés historiquement et relatifs donc il n’y a pas de morale universelle
atemporelle : obéir à la morale, c’est obéir à la tradition.
Texte 6
Nietzsche : l’obéissance à la morale n’est que la contrainte de la
tradition
Avoir de la
morale, des moeurs, une éthique, cela signifie obéir à une loi ou une tradition
fondées en ancienneté.
Que l'on s'y soumette avec peine ou de son plein gré, peu importe, il suffit
qu'on le fasse. On appelle « bon » celui qui, comme tout naturellement, à la
suite d'une longue hérédité, donc aisément et volontiers, agit en conformité
avec la morale telle qu'elle est à ce moment (exerce par exemple la vengeance
quand exercer la vengeance entre, comme chez les Grecs anciens, dans les bonnes
moeurs). Il est dit bon parce qu'il est bon « à quelque chose » ; mais comme,
malgré le changement des moeurs, on a toujours trouvé la bienveillance, la
pitié, et autres sentiments semblables « bons à quelque chose », utiles, c'est
surtout le bienveillant, le secourable que l'on appelle « bons ». Être méchant,
c'est être « non-moral» (immoral), pratiquer l'immoralité, s'opposer à la
tradition, quelque raisonnable ou absurde qu'elle puisse être ; mais dans
toutes les lois morales des diverses époques, c'est surtout nuire à son
prochain que l'on a ressenti comme nuisible, si bien qu'actuellement le mot «
méchant » nous fait avant tout penser à un dommage volontairement infligé au
prochain. Elle n'est pas entre « égoïste » et « altruiste », l'opposition
fondamentale qui a conduit les hommes à distinguer le moral de l'immoral, le
bien du mal, elle est entre l'attachement à une tradition, à une loi, et l'acte
de s'en détacher. La manière dont la
tradition a pris naissance est ici chose indifférente ; elle l'a fait en tout
cas sans référence au bien et au mal ou à quelque impératif catégorique
immanent, en visant avant tout à la conservation d'une communauté, d'un peuple
; tout usage superstitieux né d'un accident mal interprété finit par imposer
une tradition qu'il est moral de suivre ; s'en affranchir est un effet
dangereux, plus nuisible encore à la communauté qu'à l'individu (parce que
la divinité fait expier le sacrilège et toute violation de ses privilèges à la
communauté, et par là seulement à l'individu aussi). Or, toute tradition se fait d'autant plus vénérable dans sa continuité
que l'origine en est plus reculée, plus oubliée ; les trésors de respect qu'on
lui voue s'accumulent de génération en génération, la tradition finit par être
sacrée, par inspirer crainte et vénération ; et ainsi la morale de la piété
est en tout cas une morale beaucoup plus ancienne que celle qui exige des
actions désintéressées.
Nietzsche, Humain, trop humain, 1878
Texte 7
Nietzsche : la conscience morale n’est pas innée mais dictée par certains
hommes
Le contenu de notre conscience est tout ce qui fut
régulièrement exigé de nous sans raison pendant nos années d'enfance, par des
personnes que nous respections ou craignions. C'est donc à partir de la
conscience qu'est excité ce sentiment du devoir ("je dois faire ceci,
laisser cela") qui ne demande pas : pourquoi dois-je ? - Dans tous les cas
où il fait quelque chose avec "parce que" et "pourquoi",
l'homme agit sans conscience ; ce qui ne veut pas encore dire contre sa
conscience. - La croyance aux autorités est la source de la conscience ;
celle-ci n'est donc pas la voix de Dieu dans le coeur de l'homme, mais la voix
de quelques hommes dans l'homme.
Nietzsche,
Humain, trop humain, 1878, II, Le voyageur et son ombre, § 52
Texte 8
Nietzsche : Il faut comprendre d’où viennent nos valeurs morales
Exprimons-la,
cette nouvelle exigence : nous avons besoin d'une critique des valeurs morales,
c'est la valeur de ces valeurs qu'il faut commencer par mettre en question - et
pour cela il faut une connaissance des conditions et des circonstances qui les
ont produites, dans lesquelles elles se sont modifiées (la morale comme
conséquence, comme symptôme, comme masque, comme tartuferie, comme maladie,
comme malentendu ; mais aussi la morale comme cause, comme remède, comme
stimulant, comme entrave, comme poison, une connaissance telle qu'il n'en a jamais
existé et telle qu'on n'en a même jamais désiré de pareille jusqu'ici. On prenait la valeur de ces « valeurs »
pour donnée, pour réelle, au-delà de toute question ; jusqu'ici on a placé la
valeur « du bon » plus haut que celle « du méchant », sans l'ombre d'un doute
ni d'une hésitation, plus haut au sens de promotion, d'utilité, de croissance
pour l'homme en général (y compris l'avenir de l'homme). Eh quoi ? Et Si le contraire était vrai ?
Eh quoi ? Si dans le « bon» se nichaient aussi un symptôme de recul ainsi qu'un
danger, un égarement, un poison, un narcotique grâce auquel le présent vivrait
aux dépens de l'avenir ? Peut-être d'une manière plus confortable, moins
dangereuse, mais dans un style plus mesquin, plus vil ?... De sorte que ce
serait bien la faute de la morale si le type humain ne pouvait jamais atteindre
à la plus haute magnificence et splendeur qui lui est possible ? De sorte que
la morale serait justement le danger des dangers ?
Nietzsche,
Généalogie de la morale, 1887
Texte 9
Nietzsche : la morale
traditionnelle est la morale des faibles
Lorsque les opprimés, les écrasés, les asservis,
sous l’empire de la ruse vindicative de l’impuissance, se mettent à dire : « Soyons le contraire des méchants,
c’est-à-dire bons ! Est bon quiconque ne fait violence à personne, quiconque
n’offense, ni n’attaque, n’use pas de représailles et laisse à Dieu le soin de
la vengeance, quiconque se tient caché comme nous, évite la rencontre du mal et
du reste attend peu de chose de la vie, comme nous, les patients, les humbles
et les justes. » — Tout cela veut dire en somme, à l’écouter froidement et
sans parti pris : « Nous, les faibles,
nous sommes décidément faibles ; nous ferons donc bien de ne rien faire de tout
ce pour quoi nous ne sommes pas assez forts. » — Mais cette constatation
amère, cette prudence de qualité très inférieure que possède même l’insecte
(qui, en cas de grand danger, fait le mort, pour ne rien faire de trop), grâce
à ce faux monnayage, à cette impuissante duperie de soi, a pris les dehors
pompeux de la vertu qui sait attendre, qui renonce et qui se tait, comme si la
faiblesse même du faible — c’est-à-dire son essence, son activité, toute sa
réalité unique, inévitable et indélébile — était un accomplissement libre,
quelque chose de volontairement choisi, un acte de mérite. Cette espèce d’homme
a un besoin de foi au « sujet » neutre, doué du libre arbitre, et cela par un
instinct de conservation personnelle, d’affirmation de soi, par quoi tout
mensonge cherche d’ordinaire à se justifier. Le sujet (ou, pour parler le langage populaire, l’âme) est peut-être
resté jusqu’ici l’article de foi le plus inébranlable, par cette raison qu’il
permet à la grande majorité des mortels, aux faibles et aux opprimés de toute
espèce, cette sublime duperie de soi qui consiste à tenir la faiblesse
elle-même pour une liberté, tel ou tel état nécessaire pour un mérite.
Nietzsche,
Généalogie de la morale, 1887
Texte 10
Feuerbach : on obéit aux commandements de Dieu parce qu’ils viennent de
Dieu, non pas parce qu’ils sont bons intrinsèquement
La révélation engendre des actions morales, qui
pourtant ne proviennent pas de la moralité – des actions morales, mais point de
convictions morales. Les commandements
moraux sont bien observés, mais cette observance est déjà étrangère à la
conviction intérieure, au cœur par le fait qu’ils sont représentés en tant que
commandements d’un législateur extérieur et entrent dans la catégorie des
commandements arbitraires et policiers. Ce qui est fait, l’est non point parce qu’il est juste et bon d’agir
ainsi, mais parce que c’est Dieu qui l’ordonne. En soi le contenu est
indifférent ; tout ce que Dieu commande est juste.
Feuerbach, L’essence du christianisme, 1841
III.
Qu’y a–t-il d’universel dans
la morale alors ? La croyance dans l’universalité de nos jugements moraux
relatifs
Texte
12 Ayer : nos jugements moraux ne sont que l’expression de sentiments
moraux subjectifs
Nous commençons en remarquant que les concepts
fondamentaux de l’éthique sont inanalysables, attendu qu’il n’y a pas de
critère par lequel on puisse vérifier la validité des jugements dans lesquels
ils se trouvent introduits. (…) Nous sommes capables de donner une explication
de ce fait concernant les concepts éthiques. Nous disons que la raison pour
laquelle ils sont inanalysables est qu’ils sont que des pseudo-concepts. La
présence d’un symbole éthique dans une proposition n’ajoute rien à son contenu
factuel. Ainsi si je dis à quelqu'un : « Vous avez mal agi en volant
cet argent », je ne dis rien de plus que si j’avais simplement
déclaré : « Vous avez volé cet argent ». En ajoutant que cette
action est mauvaise, je ne formule aucun autre jugement sur elle, je manifeste
simplement ma désapprobation de la chose. C’est comme si j’avais dit
« vous avez volé cet argent » sur un ton particulier d’horreur ou si
je l’avais écrit avec l’addition de quelque point spécial d’exclamation. Le ton
ou le signe de l’exclamation n’ajoute rien au sens littéral de la phrase. Il
sert simplement à montrer que son expression est accompagnée de certains
sentiments chez le sujet parlant. (…)
Il est clair qu’il n’est rien dit ici qui puisse
être vrai ou faux. Une autre personne peut être en désaccord avec moi sur le
caractère mauvais du vol, dans le sens qu’elle peut n’avoir pas les mêmes
sentiments que moi sur le vol, et elle peut me quereller sur mes sentiments
moraux. Mais elle ne peut pas, exactement parlant, me contredire, car en disant
qu’un certain type d’action est bonne ou mauvaise, je ne formule aucun jugement
factuel, pas même un jugement sur mon propre état d’esprit. J’exprime
simplement certains jugements moraux. Et celui qui est censé me contredire ne
fait qu’exprimer ses sentiments moraux. Il n’y a donc absolument pas de sens à
demander qui de nous a raison. (…)
Il mérite d’être mentionné que les termes éthiques
ne servent pas seulement à exprimer des sentiments. Ils sont destinés aussi à
susciter les sentiments, et ainsi à stimuler l’action. (…) En fait, nous
pouvons définir le sens des différents mots éthiques en termes de sentiments
divers qu’ils ont l’habitude d’exprimer, et en même temps par rapport aux
différentes réponses qu’ils sont destinés à provoquer.
Ayer, Langage,
vérité et logique, 1936
Texte 13
Mackie : Mais nous avons besoin de croire dans l’objectivité et
l’universalité de nos jugements moraux
Le rejet des valeurs objectives peut entraîner une
réaction émotionnelle extrême, un sentiment que rien n’a d’importance, que la
vie a perdu son sens. Bien sûr, cela ne s’ensuit pas ; l’absence de
valeurs objectives n’est pas une bonne raison pour abandonner l’intérêt
subjectif que l’on prend à ce qui nous entoure, ou pour cesser de vouloir quoi
que ce soit. Mais l’abandon de la croyance en des valeurs objectives peut
provoquer, au moins temporairement, une baisse d’intérêt et du sentiment de
sens. Que cela se produise est une preuve que les gens qui manifestent cette
réaction tendent à objectiver ce qui les préoccupe et leur donne un but, en lui
accordant une autorité externe fictive. La prétention à l’objective est si
fortement associée à leurs préoccupations et à leurs visées que la chute du
premier élément semble aussi saper le second.
Mackie, Ethics.
Inventing Right and Wrong, 1977
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