mercredi 3 avril 2019

Chapitre 9 : Y a-t-il une morale universelle ?


I.                 La prétention de la morale à l’universalité

3 types de morale :

-        Ethique des vertus

Texte 1 Aristote : l’exercice des vertus produit le bonheur
Puisque le bonheur est une certaine activité de l’âme en accord avec une vertu parfaite, c’est la nature de la vertu qu’il nous faut examiner : car peut-être ainsi pourrons-nous mieux considérer la nature du bonheur lui-même. (…) Et par vertu humaine nous entendons non pas l’excellence du corps, mais bien celle de l’âme, et le bonheur est aussi pour nous une activité de l’âme. (…) Nous distinguons les vertus intellectuelles et les vertus morales : la sagesse, l’intelligence, la prudence sont des vertus intellectuelles ; la libéralité et la modération sont des vertus morales. (…)
On n’est pas un véritable homme de bien quand on n’éprouve aucun plaisir dans la pratique des bonnes actions, pas plus que ne saurait être jamais appelé juste celui qui accomplit sans plaisir des actions justes, ou libéral celui qui n’éprouve aucun plaisir à faire des actes de libéralité, et ainsi de suite. S’il en est ainsi, c’est en elles-mêmes que les actions conformes à la vertu doivent être des plaisirs.
Les productions de l’art ont leur valeur en elles-mêmes ; il suffit que la production leur confère certains caractères. Au contraire, pour les actions faites selon la vertu, ce n’est pas par la présence en elles de certains caractères intrinsèques qu’elles sont faites d’une façon juste ou modérée. Il faut encore que l’agent lui-même soit dans une certaine disposition quand il les accomplit : en premier lieu, il doit savoir ce qu’il fait ; ensuite, choisir librement l’acte en question et le choisir en vue de cet acte lui-même ; et en troisième lieu ; l’accomplir dans une disposition d’esprit ferme et inébranlable.
Aristote, Ethique à Nicomaque, IVème siècle av JC
-        Déontologisme

Texte 2 Kant : l’intention bonne fait le devoir.
De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général en dehors du monde, il n'y a qu'une seule chose qu'on puisse tenir pour bonne sans restriction, c'est une bonne volonté. L'intelligence, la finesse, le jugement, et les talents de l'esprit, quelque nom qu'on leur donne, ou le courage, la résolution, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont sans doute choses bonnes et désirables à beaucoup d'égards ; mais ces dons de la nature peuvent devenir aussi extrêmement mauvais et pernicieux, lorsque la volonté, qui doit en faire usage, et dont la disposition propre s'appelle  pour cette raison caractère, n'est pas bonne. Il en est de même des dons de la fortune. Le pouvoir, la richesse, l'honneur, la santé même, tout le bien-être, et ce parfait contentement de son état qu'on appelle le bonheur, tout cela nous donne confiance en nous, qui dégénère même souvent en présomption, lorsqu'il n'y a pas là une bonne volonté pour en redresser l'influence sur l'esprit, par là tout le principe de l'action, et les rendre universellement conformes à des fins. Ajoutez d'ailleurs qu'un spectateur raisonnable et impartial ne peut voir avec satisfaction que tout réussisse toujours à un être qui n'orne aucun trait de pure et bonne volonté.(…)
Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ; c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est bonne ; et, considérée en elle-même, elle doit sans comparaison être estimée bien supérieure à tout ce qui pourrait être accompli par elle uniquement en faveur de quelque inclination et même, si l'on veut, de la somme de toutes les inclinations. Alors même que, par une particulière défaveur du sort, ou par l'avare dotation d'une nature marâtre, cette volonté serait complètement dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins ; alors même que dans son plus grand effort elle ne réussirait à rien ; alors même qu'il ne resterait que la bonne volonté toute seule (je comprends par-là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple vœu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer), elle n'en brillerait pas moins, ainsi qu'un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière. L'utilité ou l'inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785

Texte 3 Kant : la raison pratique donne la loi universelle du devoir

La raison pure est pratique par elle seule et donne à l’homme une loi universelle, que nous nommons la loi morale [...] S'appliquant aux hommes, la loi a la forme d’un impératif, parce qu’on peut, à la vérité, supposer en eux, en tant qu’êtres raisonnables, une volonté pure, mais non leur attribuer, en tant qu’êtres soumis à des besoins et à des causes sensibles de mouvement, une volonté sainte, c’est-à-dire une volonté qui ne soit capable d’aucune maxime contradictoire avec la loi morale. Pour eux la loi morale est donc  un impératif, qui commande catégoriquement, puisque la loi est inconditionnée ; le rapport d'une volonté telle que la leur à cette loi est la dépendance qui sous le nom d’obligation désigne une contrainte, imposée toutefois par la simple raison et sa loi objective, pour l’accomplissement d’une action qui s’appelle devoir.
Kant, Critique de la raison pratique, 1788

-        Utilitarisme

Texte 4 Mill : La morale doit être soumise à la raison et au calcul des conséquences de l’acte
Que le bonheur constitue ou non la fin ultime de la moralité, il est essentiel, en tout cas, pour l'idée même de philosophie morale, que la moralité se réfère à quelque fin, qu'elle ne soit pas laissée sous la domination de sentiments vagues ou d'une conviction intérieure inexplicable - qu'elle soit soumise à la raison et au calcul et non au seul sentiment. Cela seul peut permettre que des arguments soient formulés et qu'une discussion soit possible dans ce domaine. Que la moralité de nos actions dépende des conséquences qu'elles produisent est la doctrine commune aux personnes raisonnables de toutes les écoles. Que le bien ou le mal attaché à ces conséquences se mesure exclusivement à travers la peine ou le plaisir qu'elles procurent est le seul point de doctrine qui appartienne en propre à l'école utilitariste.
Mill, Essai sur Bentham, 1838

Texte 5 Mill : L’action est bonne si elle produit le plus grand bonheur total.

L'école qui accepte comme fondement de la morale le principe d'utilité ou du plus grand bonheur pose que les actions sont moralement bonnes (right) dans la mesure où elles tendent à promouvoir le bonheur, moralement mauvaises dans la mesure où elles tendent à produire le contraire du bonheur. Par "bonheur", on entend le plaisir et l'absence de douleur ; par "malheur", la douleur et la privation de plaisir. […]
Ce critère n'est pas le plus grand bonheur de l'agent lui-même, mais la plus grande somme de bonheur au total. Selon le principe du plus grand bonheur, tel qu'il a été expliqué précédemment, la fin ultime, celle en fonction et en vertu de laquelle sont désirables toutes les autres choses désirables (que nous considérions notre propre bien ou celui des autres), consiste à pouvoir mener une existence aussi dépourvue de souffrance que possible et aussi riche que possible de satisfactions tant en quantité qu'en qualité ; le critère de la qualité, et la règle qui permet de la comparer à la quantité étant représentés par la préférence que manifestent ceux qui, tant par leurs possibilités d'expérience que par leur pratique de l'analyse et de l'observation de soi-même, sont les mieux à même d'établir des comparaisons. Étant donné que c'est là, selon l'opinion utilitariste, la finalité de l'action humaine, c'est nécessairement également la norme de la moralité ; celle-ci peut donc, en conséquence, être définie comme l'ensemble des règles et des préceptes de la conduite humaine dont le respect serait de nature à assurer, dans la plus large mesure possible, une telle existence à toute l'humanité ; et il faut ajouter que cela s'applique aussi, autant que le permet la nature des choses, à l'ensemble des créatures capables de sensation.
Dans tous les cas où l’on serait dit communément faire un jugement éthique, la fonction du mot éthique employé est purement « émotive ». Il est employé pour exprimer des sentiments au sujet de certains objets mais non pour formuler une assertion à leur sujet. (…)

MillL'utilitarisme, 1861

II.                Les jugements moraux sont déterminés historiquement et relatifs donc il n’y a pas de morale universelle atemporelle : obéir à la morale, c’est obéir à la tradition.

Texte 6 Nietzsche : l’obéissance à la morale n’est que la contrainte de la tradition

Avoir de la morale, des moeurs, une éthique, cela signifie obéir à une loi ou une tradition fondées en ancienneté. Que l'on s'y soumette avec peine ou de son plein gré, peu importe, il suffit qu'on le fasse. On appelle « bon » celui qui, comme tout naturellement, à la suite d'une longue hérédité, donc aisément et volontiers, agit en conformité avec la morale telle qu'elle est à ce moment (exerce par exemple la vengeance quand exercer la vengeance entre, comme chez les Grecs anciens, dans les bonnes moeurs). Il est dit bon parce qu'il est bon « à quelque chose » ; mais comme, malgré le changement des moeurs, on a toujours trouvé la bienveillance, la pitié, et autres sentiments semblables « bons à quelque chose », utiles, c'est surtout le bienveillant, le secourable que l'on appelle « bons ». Être méchant, c'est être « non-moral» (immoral), pratiquer l'immoralité, s'opposer à la tradition, quelque raisonnable ou absurde qu'elle puisse être ; mais dans toutes les lois morales des diverses époques, c'est surtout nuire à son prochain que l'on a ressenti comme nuisible, si bien qu'actuellement le mot « méchant » nous fait avant tout penser à un dommage volontairement infligé au prochain. Elle n'est pas entre « égoïste » et « altruiste », l'opposition fondamentale qui a conduit les hommes à distinguer le moral de l'immoral, le bien du mal, elle est entre l'attachement à une tradition, à une loi, et l'acte de s'en détacher. La manière dont la tradition a pris naissance est ici chose indifférente ; elle l'a fait en tout cas sans référence au bien et au mal ou à quelque impératif catégorique immanent, en visant avant tout à la conservation d'une communauté, d'un peuple ; tout usage superstitieux né d'un accident mal interprété finit par imposer une tradition qu'il est moral de suivre ; s'en affranchir est un effet dangereux, plus nuisible encore à la communauté qu'à l'individu (parce que la divinité fait expier le sacrilège et toute violation de ses privilèges à la communauté, et par là seulement à l'individu aussi). Or, toute tradition se fait d'autant plus vénérable dans sa continuité que l'origine en est plus reculée, plus oubliée ; les trésors de respect qu'on lui voue s'accumulent de génération en génération, la tradition finit par être sacrée, par inspirer crainte et vénération ; et ainsi la morale de la piété est en tout cas une morale beaucoup plus ancienne que celle qui exige des actions désintéressées.
Nietzsche, Humain, trop humain, 1878

Texte 7 Nietzsche : la conscience morale n’est pas innée mais dictée par certains hommes

Le contenu de notre conscience est tout ce qui fut régulièrement exigé de nous sans raison pendant nos années d'enfance, par des personnes que nous respections ou craignions. C'est donc à partir de la conscience qu'est excité ce sentiment du devoir ("je dois faire ceci, laisser cela") qui ne demande pas : pourquoi dois-je ? - Dans tous les cas où il fait quelque chose avec "parce que" et "pourquoi", l'homme agit sans conscience ; ce qui ne veut pas encore dire contre sa conscience. - La croyance aux autorités est la source de la conscience ; celle-ci n'est donc pas la voix de Dieu dans le coeur de l'homme, mais la voix de quelques hommes dans l'homme.
Nietzsche, Humain, trop humain, 1878, II, Le voyageur et son ombre, § 52

Texte 8 Nietzsche : Il faut comprendre d’où viennent nos valeurs morales

Exprimons-la, cette nouvelle exigence : nous avons besoin d'une critique des valeurs morales, c'est la valeur de ces valeurs qu'il faut commencer par mettre en question - et pour cela il faut une connaissance des conditions et des circonstances qui les ont produites, dans lesquelles elles se sont modifiées (la morale comme conséquence, comme symptôme, comme masque, comme tartuferie, comme maladie, comme malentendu ; mais aussi la morale comme cause, comme remède, comme stimulant, comme entrave, comme poison, une connaissance telle qu'il n'en a jamais existé et telle qu'on n'en a même jamais désiré de pareille jusqu'ici. On prenait la valeur de ces « valeurs » pour donnée, pour réelle, au-delà de toute question ; jusqu'ici on a placé la valeur « du bon » plus haut que celle « du méchant », sans l'ombre d'un doute ni d'une hésitation, plus haut au sens de promotion, d'utilité, de croissance pour l'homme en général (y compris l'avenir de l'homme). Eh quoi ? Et Si le contraire était vrai ? Eh quoi ? Si dans le « bon» se nichaient aussi un symptôme de recul ainsi qu'un danger, un égarement, un poison, un narcotique grâce auquel le présent vivrait aux dépens de l'avenir ? Peut-être d'une manière plus confortable, moins dangereuse, mais dans un style plus mesquin, plus vil ?... De sorte que ce serait bien la faute de la morale si le type humain ne pouvait jamais atteindre à la plus haute magnificence et splendeur qui lui est possible ? De sorte que la morale serait justement le danger des dangers ?
Nietzsche, Généalogie de la morale, 1887

Texte 9 Nietzsche :  la morale traditionnelle est la morale des faibles

Lorsque les opprimés, les écrasés, les asservis, sous l’empire de la ruse vindicative de l’impuissance, se mettent à dire : « Soyons le contraire des méchants, c’est-à-dire bons ! Est bon quiconque ne fait violence à personne, quiconque n’offense, ni n’attaque, n’use pas de représailles et laisse à Dieu le soin de la vengeance, quiconque se tient caché comme nous, évite la rencontre du mal et du reste attend peu de chose de la vie, comme nous, les patients, les humbles et les justes. » — Tout cela veut dire en somme, à l’écouter froidement et sans parti pris : « Nous, les faibles, nous sommes décidément faibles ; nous ferons donc bien de ne rien faire de tout ce pour quoi nous ne sommes pas assez forts. » — Mais cette constatation amère, cette prudence de qualité très inférieure que possède même l’insecte (qui, en cas de grand danger, fait le mort, pour ne rien faire de trop), grâce à ce faux monnayage, à cette impuissante duperie de soi, a pris les dehors pompeux de la vertu qui sait attendre, qui renonce et qui se tait, comme si la faiblesse même du faible — c’est-à-dire son essence, son activité, toute sa réalité unique, inévitable et indélébile — était un accomplissement libre, quelque chose de volontairement choisi, un acte de mérite. Cette espèce d’homme a un besoin de foi au « sujet » neutre, doué du libre arbitre, et cela par un instinct de conservation personnelle, d’affirmation de soi, par quoi tout mensonge cherche d’ordinaire à se justifier. Le sujet (ou, pour parler le langage populaire, l’âme) est peut-être resté jusqu’ici l’article de foi le plus inébranlable, par cette raison qu’il permet à la grande majorité des mortels, aux faibles et aux opprimés de toute espèce, cette sublime duperie de soi qui consiste à tenir la faiblesse elle-même pour une liberté, tel ou tel état nécessaire pour un mérite.
Nietzsche, Généalogie de la morale, 1887

Texte 10 Feuerbach : on obéit aux commandements de Dieu parce qu’ils viennent de Dieu, non pas parce qu’ils sont bons intrinsèquement

La révélation engendre des actions morales, qui pourtant ne proviennent pas de la moralité – des actions morales, mais point de convictions morales. Les commandements moraux sont bien observés, mais cette observance est déjà étrangère à la conviction intérieure, au cœur par le fait qu’ils sont représentés en tant que commandements d’un législateur extérieur et entrent dans la catégorie des commandements arbitraires et policiers. Ce qui est fait, l’est non point parce qu’il est juste et bon d’agir ainsi, mais parce que c’est Dieu qui l’ordonne. En soi le contenu est indifférent ; tout ce que Dieu commande est juste.
Feuerbach, L’essence du christianisme, 1841


III.               Qu’y a–t-il d’universel dans la morale alors ? La croyance dans l’universalité de nos jugements moraux relatifs


Texte 12 Ayer : nos jugements moraux ne sont que l’expression de sentiments moraux subjectifs

Nous commençons en remarquant que les concepts fondamentaux de l’éthique sont inanalysables, attendu qu’il n’y a pas de critère par lequel on puisse vérifier la validité des jugements dans lesquels ils se trouvent introduits. (…) Nous sommes capables de donner une explication de ce fait concernant les concepts éthiques. Nous disons que la raison pour laquelle ils sont inanalysables est qu’ils sont que des pseudo-concepts. La présence d’un symbole éthique dans une proposition n’ajoute rien à son contenu factuel. Ainsi si je dis à quelqu'un : « Vous avez mal agi en volant cet argent », je ne dis rien de plus que si j’avais simplement déclaré : « Vous avez volé cet argent ». En ajoutant que cette action est mauvaise, je ne formule aucun autre jugement sur elle, je manifeste simplement ma désapprobation de la chose. C’est comme si j’avais dit « vous avez volé cet argent » sur un ton particulier d’horreur ou si je l’avais écrit avec l’addition de quelque point spécial d’exclamation. Le ton ou le signe de l’exclamation n’ajoute rien au sens littéral de la phrase. Il sert simplement à montrer que son expression est accompagnée de certains sentiments chez le sujet parlant. (…)
Il est clair qu’il n’est rien dit ici qui puisse être vrai ou faux. Une autre personne peut être en désaccord avec moi sur le caractère mauvais du vol, dans le sens qu’elle peut n’avoir pas les mêmes sentiments que moi sur le vol, et elle peut me quereller sur mes sentiments moraux. Mais elle ne peut pas, exactement parlant, me contredire, car en disant qu’un certain type d’action est bonne ou mauvaise, je ne formule aucun jugement factuel, pas même un jugement sur mon propre état d’esprit. J’exprime simplement certains jugements moraux. Et celui qui est censé me contredire ne fait qu’exprimer ses sentiments moraux. Il n’y a donc absolument pas de sens à demander qui de nous a raison. (…)
Il mérite d’être mentionné que les termes éthiques ne servent pas seulement à exprimer des sentiments. Ils sont destinés aussi à susciter les sentiments, et ainsi à stimuler l’action. (…) En fait, nous pouvons définir le sens des différents mots éthiques en termes de sentiments divers qu’ils ont l’habitude d’exprimer, et en même temps par rapport aux différentes réponses qu’ils sont destinés à provoquer.

Ayer, Langage, vérité et logique, 1936

Texte 13 Mackie : Mais nous avons besoin de croire dans l’objectivité et l’universalité de nos jugements moraux

Le rejet des valeurs objectives peut entraîner une réaction émotionnelle extrême, un sentiment que rien n’a d’importance, que la vie a perdu son sens. Bien sûr, cela ne s’ensuit pas ; l’absence de valeurs objectives n’est pas une bonne raison pour abandonner l’intérêt subjectif que l’on prend à ce qui nous entoure, ou pour cesser de vouloir quoi que ce soit. Mais l’abandon de la croyance en des valeurs objectives peut provoquer, au moins temporairement, une baisse d’intérêt et du sentiment de sens. Que cela se produise est une preuve que les gens qui manifestent cette réaction tendent à objectiver ce qui les préoccupe et leur donne un but, en lui accordant une autorité externe fictive. La prétention à l’objective est si fortement associée à leurs préoccupations et à leurs visées que la chute du premier élément semble aussi saper le second.

Mackie, Ethics. Inventing Right and Wrong, 1977






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