Texte
1
Car rien ne nous détourne davantage de la
recherche de la vérité que de diriger nos efforts vers des buts particuliers,
au lieu de les tourner vers cette fin unique et générale. Je ne parle pas ici
des buts mauvais et condamnables, tels que la vaine gloire et la recherche d’un
gain honteux ; il est clair que le mensonge et les petites ruses des esprits
vulgaires y mèneront par un chemin plus court que ne le pourrait faire une
connaissance solide du vrai. J’entends ici parler des buts honnêtes et louables
; car ils sont pour nous un sujet d’illusions dont nous avons peine à nous
défendre. En effet, nous étudions les sciences utiles ou pour les avantages
qu’on en retire dans la vie, et pour ce plaisir qu’on trouve dans la
contemplation du vrai, et qui, dans ce monde, est presque le seul bonheur pur
et sans mélange. Voilà deux objets légitimes que nous pouvons nous proposer
dans l’étude des sciences ; mais si au milieu de nos travaux nous venons à y
penser, il se peut faire qu’un peu de précipitation nous fasse négliger
beaucoup de choses qui seraient nécessaires à la connaissance des autres, parce
qu’au premier abord elles nous paraîtront ou peu utiles ou peu dignes de notre
curiosité. Ce qu’il faut d’abord reconnaître, c’est que les sciences sont tellement
liées ensemble qu’il est plus facile de les apprendre toutes à la fois que d’en
détacher une seule des autres. Si donc on veut sérieusement chercher la vérité,
il ne faut pas s’appliquer à une seule science ; elles se tiennent toutes entre
elles et dépendent mutuellement l’une de l’autre. Il faut songer à augmenter
ses lumières naturelles, non pour pouvoir résoudre telle ou telle difficulté de
l’école, mais pour que l’intelligence puisse montrer à la volonté le parti
qu’elle doit prendre dans chaque situation de la vie. Celui qui suivra cette
méthode verra qu’en peu de temps il aura fait des progrès merveilleux, et bien
supérieurs à ceux des hommes qui se livrent aux études spéciales, et que s’il
n’a pas obtenu les résultats que ceux-ci veulent atteindre, il est parvenu à un
but plus élevé, et auquel leurs vœux n’eussent jamais osé prétendre.
DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit, Règle 1
1)
Quelle
question l’auteur se pose-t-il dans ce texte ?
2)
Déterminez
la thèse du texte et les étapes de son raisonnement
3)
Trouvez
des exemples pouvant illustrer sa thèse ou l’un de ses arguments
Texte
2
On a dit souvent qu’une hypothèse
scientifique qui ne peut se heurter à aucune contradiction n’est pas loin
d’être une hypothèse inutile. De même, une expérience qui ne rectifie aucune
erreur, qui est platement vraie, sans débat, à quoi sert-elle ? Une expérience
scientifique est alors une expérience qui contredit l’expérience commune. (...)
Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on
arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut
poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de
considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des
phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est
dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de
nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous
montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous
décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles
épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours
quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations
du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais « ce qu’on pourrait
croire » mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. La pensée empirique
est claire, après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. En
revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir
intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en
détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit
même, fait obstacle à la spiritualisation.
BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique
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Texte
3
L'évolution de la vie sur la terre ou de la
société humaine, est un processus historique unique. Un tel processus, nous
pouvons le présumer, s'effectue en accord avec tous les genres de lois
causales, par exemple les lois de la mécanique, de la chimie, de l'hérédité et
de la ségrégation, de la sélection naturelle, etc. On ne peut cependant pas le
décrire comme une loi, mais seulement comme un énoncé historique singulier. Les
lois universelles formulent des assertions relatives à un certain ordre
invariant (...), c'est-à-dire relatives à tous les processus d'un certain genre
; et bien qu'il n'y ait pas de raison pour que l'observation d'un seul cas
unique ne doive pas nous inciter à formuler une loi universelle, ni même pour
que, avec de la chance, nous ne rencontrions pas la vérité, il est clair que
toute loi, qu'elle soit formulée de cette manière ou d'une autre, doit être
testée sur d'autres cas avant de pouvoir être prise sérieusement en
considération par la science. Mais nous ne pouvons espérer tester une hypothèse
universelle ni découvrir une loi naturelle acceptable pour la science si nous
sommes à jamais réduits à l'observation d'un seul et unique processus.
L'observation d'un seul et unique processus ne peut non plus nous permettre de
prévoir l'évolution future. La plus minutieuse observation du développement
d'une unique chenille ne nous aidera pas à prévoir sa métamorphose en papillon.
POPPER, Misère
de l'historicisme
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Texte
4
Un credo religieux diffère d'une théorie
scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument
certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s'attend à
ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard
nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable
d'arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science
évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une
exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables
quand il s'agit d'approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une
observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions
techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci
possédaient un certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire. La science
nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y
substituer ce qu'on peut appeler la vérité "technique", qui est le
propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir
l'avenir. La vérité "technique" est une affaire de degré : une
théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre
d'inventions utiles et de prévisions exactes. La "connaissance" cesse
d'être un miroir mental de l'univers, pour devenir un simple instrument à
manipuler la matière.
RUSSELL, Science
et religion
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